Surprise inespérée de la trêve internationale, Ryan Gauld, 28 ans, fut appelé pour la première fois en équipe d’Ecosse. La fin d’une longue traversée du désert et d’un anonymat pour un joueur longtemps vendu comme le nouvel espoir des Highlands. Des montagnes russes qui auront duré dix ans.
Dans le brouillard d’Hampden Park et de la Ligue des Nations, Steve Clarke expérimente de nouvelles formules. Quitte à faire entrer des éléments que l’on n’espérait plus au sein de la Tartan Army. Ainsi, on a pu apercevoir lors de cette trêve internationale, les débuts d’un petit gabarit orné du numéro 20, et doté d’un terrible talent créatif. Ecosse – Pologne, 70e minute, à la place de Ryan Christie, entre en jeu un autre Ryan : Ryan Gauld. Placé sur le côté gauche, son dynamisme avec ballon se repère assez vite. Quand il ne l’a pas, il essaye de se rendre aussi utile que possible, créant des triangles pour fluidifier la circulation du ballon. On remarque même une application au pressing sur le porteur du ballon, un impact qui ne va pas souvent de pair avec le prototype de meneur de jeu de petite taille.
Replacé dans l’axe après le passage à deux pointes et l’entrée de Lewis Morgan, Gauld surnage pendant quelques minutes. Beaucoup plus sollicité avec ballon, le natif d’Aberdeen trouve l’occasion de distiller de beaux ballons. En témoigne un excellent jeu en remise pour Scott McTominay, résultant en un tir non cadré (88e). Malheureusement, sa première cape ne sera pas signe de victoire. Alors que l’Ecosse revient au score grâce à leur leader McTominay, une grosse erreur de Grant Hanley (tombe dans la feinte de Nicola Zalewski, 90e) offre le penalty de la victoire, contre le cours du jeu (2-3). Une deuxième cape contre le Portugal qui connaîtra la même conclusion : dans un match où c’est le gardien Angus Gunn qui sera sous les lumières des projecteurs, les écossais encaisseront une défaite tardivement, contre un dénommé Cristiano Ronaldo.
Voilà aujourd’hui le maigre bilan international de Ryan Gauld, au sein d’une équipe d’Ecosse menée par un Steve Clarke toujours plus sur la sellette. Alors, pourquoi s’intéresser à un tel cas, comme il doit en exister des dizaines par trimestre dans le football international ? Bien que ces quelques lignes ne peuvent être capables de le démontrer, Ryan Gauld n’est pas un footballeur comme les autres. Un élément que les écossais attendaient de voir porter leur maillot depuis des années. De quoi même en écoeurer certains, comme Loïs Guzukian (administrateur de Scottish Football FR, compte Twitter concentré sur le football écossais) : « C’était un running gag qui a fini par épuiser pas mal de monde, celui du « va-t-il appeler Ryan Gauld cette fois-ci ? ». Les gens avaient fini par enfin faire le deuil, malgré le fait qu’il en avait le niveau depuis longtemps. » Si le public n’a jamais cessé de croire en lui, c’est aussi car Ryan Gauld reste un joueur qui a pourtant dû recommencer d’en bas, très bas, pour trouver la qualité et la régularité qu’on lui connaît aujourd’hui.
Porter le maillot de la Tartan Army, Ryan Gauld n’en avait pas eu l’occasion depuis l’automne 2016, et des sélections régulières avec les Espoirs. Il peut même se souvenir avoir effectué des camps d’entraînement en tant que sparring, aux côtés des vrais internationaux comme Darren Fletcher ou Scott Brown. Pourtant, impossible d’associer ces deux noms lorsque l’on parle football. Si la légende du Celtic pourrait avoir sa photo à côté du mot « fighting spirit » , Ryan Gauld demeure un esthète. Un meneur de jeu incroyablement talentueux, capable aujourd’hui de supporter la dureté physique et l’intensité du haut niveau. A tel point qu’une fois entré dans le monde professionnel, nombreux s’étaient mis à le surnommer « le Messi écossais ». Rien que ça.
Enfant d’Aberdeen, le futur prodige va intégrer la formation de Dundee, aux côtés d’un certain John Souttar (aujourd’hui taulier défensif des Rangers). Sur les terrains de Saint Andrew se fera une rencontre déterminante dans sa manière de voir le football : Ian Cathro. Aujourd’hui entraîneur d’Estoril (Portugal), le jeune technicien va chercher à développer son protégé dans des compartiments du jeu bien précis : la qualité avec ballon et la compréhension du jeu. Une entente formateur/joueur telle que même aujourd’hui, Gauld le considère comme « l’une des plus grosses influences de sa carrière ». Surclassé en U19 à quinze ans, il obtiendra rapidement ses premières minutes en professionnel, en fin de saison 2011-2012. Il n’a même pas encore dix-sept ans. Des promesses qui se confirmeront la saison suivante, avec une intégration progressive dans l’équipe première et une performance remarquée contre le Celtic en demi-finale de Coupe d’Ecosse (3-4 aux prolongations).
Saison 2013-2014, celle de la majorité et de la révélation. Aux côtés de talents comme Andrew Robertson, Gary Mackay-Steven, Stuart Armstrong, Nadir Ciftci et son vieux copain John Souttar, les « Tangerines » deviendront l’équipe frissons de Premiership. Une équipe offensive, insouciante, dont Ryan Gauld demeure le chef d’orchestre. Sa compréhension du jeu, ses dribbles, ses courses, ses passes millimétrées participeront à cette réputation, Dundee se classant même comme la deuxième meilleure attaque de la saison. Derrière un Celtic imbattable, dépassant le cap des 100 buts. Trop tendres, ils passeront cependant d’une qualification en compétitions européennes. Sans parler de cette finale de Coupe d’Ecosse, perdue contre St. Johnstone (0-2).
Pour prouver que Ryan Gauld encore mineur, ça envoyait sévère :
Arrive alors un dilemme classique pour beaucoup de jeunes prodiges, partir à un âge précoce. La tentation est de taille : pas de Coupe d’Europe, Andrew Robertson part faire la carrière qu’on lui connaît, et une montagne de clubs se présente devant lui. Everton, Liverpool, la Roma ou même le Real Madrid ! L’intérêt le plus concret restant celui de David Moyes, à l’époque entraîneur de Manchester United, soi-disant « impressionné » par cette génération dorée. Être biberonné par un compatriote dans un des plus grands clubs du monde ? Tentant. Pourtant, cela n’arrivera jamais. Ryan Gauld ralliera contre toute attente le Sporting contre trois millions d’euros. Un choix intermédiaire sensé au premier abord, la vitesse et l’intensité de jeu au Portugal se rapprochant davantage de ses qualités « messiesques ».
Mais pour s’adapter et s’immiscer dans le climat lusitanien, encore faut-il obtenir du temps de jeu. Avec une intégration sur la pointe des pieds en réserve et des apparitions intéressantes en Taça de Liga, Marco Silva (aujourd’hui entraîneur de Fulham) est débouté du banc des Lions, laissant place à Jorge Jesus dans la tanière. La furie d’Amadora se montre sans pitié envers Gauld, le laissant dépérir en réserve. L’arrivée de Bryan Ruiz ou la montée en puissance de Joao Mario n’arrangeront rien. Pas une seule minute en professionnel lors de la saison 2015-2016, une seule apparition sur une feuille de match (contre Vilafranquense, en Taça de Portugal, ndlr). L’aventure lisboète semble déjà terminée pour de bon, et la pression du « Mini-Messi » se resserre. Mais la plus grande tuile le concernant se trouve là : Ryan Gauld se fait prêter au Vitoria de Setubal à l’été 2016, et commence à montrer des signes encourageants. Cependant, son équipe aura le malheur de battre le Sporting pour les sortir de Taça de Liga début janvier. Son prêt sera résilié dans la foulée, alors qu’il n’a même pas pu participer au match.
La rumeur veut que Bruno de Carvalho, président du Sporting à l’époque, ait fait ça pour se venger de cet affront. Acte qui cassera aussi la dynamique d’un autre espoir : Francisco Geraldes. S’ensuivront des prêts anecdotiques : Aves (et une Taça de Portugal où son implication fut inexistante), Farense et même un retour en Ecosse à Hibernian. Un prêt hivernal désastreux, des blessures à l’ischio le mettant sur la touche à partir de février. Ce qui lui en fera tirer une conclusion importante : le football britannique ne lui convient pas. Trop intense. Trop physique. Trop dur.
Eté 2019. Le téléphone ne sonne plus. Les comparaisons avec Messi disparaîssent. S’imposer en Grande-Bretagne devient hors de portée. Ryan Gauld semble faire partie de cette liste innombrable de joueurs qu’on a vu trop haut et comparés trop vite aux plus grands. Tels Freddy Adu ou Alen Halilovic. Pourtant, l’écossais prend une décision osée : repartir d’en bas, à Farense. Dans un club dans lequel il avait été prêté la saison dernière, celui qui résiliera son contrat avec le Sporting souhaite reprendre à zéro. Sans pression externe. Une décision plus que judicieuse, qui lui permettra de faire ce qu’il a toujours su faire : éblouir avec efficacité. Neuf buts, une polyvalence pratique pour son entraîneur, pouvant le mettre où ça l’arrange et un rôle de meneur de jeu assumé. Une dynamique qui le mène vers une récompense de meilleur joueur de la saison en Liga 2, et une promotion dans l’élite portugaise. Succès que les Lions de Faro n’avaient pas connu depuis 2001. Encore mieux : pour la première fois depuis son arrivée en 2014, Ryan Gauld va pouvoir jouer une saison complète en Liga NOS.
Retour en force confirmé par cette saison 2020-2021. Sans la pression du public, le créateur est encore plus responsabilisé en Algarve, dans le bon sens du terme. Il redevient le joueur-clé d’une équipe, mais surtout le joueur pour lequel on allume sa télé (venir au stade était un petit peu plus complexe à ce moment-là). Les performances remarquées pleuvent, les récompenses d’homme du match aussi. Faire partie des meilleurs joueurs du Portugal en ne faisant pas partie du Big 4 (Benfica, Porto, Sporting, Braga), voilà quelque chose de peu commun. Pourtant, il l’a fait. Neuf buts, sept passes décisives, un beau bilan pourtant trop juste pour éviter la relégation. Il laissera cependant un héritage à Farense : celui de concentrer le travail offensif sur les qualités d’un joueur en particulier. Mohamed Belloumi fut remarqué la saison dernière, tout comme on espère le même chemin pour Mehdi Merghem.
Fin de contrat en 2021, Ryan Gauld réussit à changer la donne. Proche de participer à l’Euro 2021 si Steve Clarke ne commençait pas à l’ignorer, les prétendants toquent à la porte. Brighton, Brentford, Braga, Celtic, Rangers… Même le Sporting ose tenter de le faire revenir dans la capitale. Pourtant, le natif d’Aberdeen va prendre une autre décision inattendue : quitter l’Europe. Non pas pour le Golfe comme l’ont fait bien d’autres deux ans plus tard, mais pour la MLS. Direction Vancouver. Un cadre magnifique, une pression toujours allégée, et un style de jeu qui va lui convenir parfaitement. Gauld a toujours dit que la pression du « Mini-Messi » ne l’avait jamais vraiment atteint, mais on peut penser que ses choix de carrière sont tout de même liés. De la pression des fans, à la pression du football business, qui lui aura fait bien des coups tordus. Plutôt que se remettre toute cette charge mentale, autant devenir une icône dans son coin, à surfer en Colombie-Britannique durant les trêves. Passion qu’il aura découvert dans le cadre paradisiaque de Faro.
Même si le voir partir en Amérique reste un crève-cœur pour les écossais, qui le voient dire non à sa dernière chance d’être le joueur qu’on lui promettait, Gauld s’éclate. Dans une équipe à la dérive qui manquait terriblement de talents offensifs, le voilà arrivé comme le Messie. Tout de suite, les Whitecaps deviennent une équipe à respecter dans la Conférence Ouest, qualifiées régulièrement pour les Playoffs. L’écossais fait alors partie d’une catégorie de stars de la MLS : celle qui domine tous ses adversaires, semaine après semaine. Aux côtés de Carles Gil, Hany Mukhtar ou plus récemment Riqui Puig et Denis Bouanga, ce sont aussi eux qui font lever les tribunes pour du soccer, de par leur qualité technique et leurs exploits. Le tout dans un championnat qui a su porter un modèle de développement viable pour que le niveau soit toujours plus relevé. Peut-être qu’aujourd’hui, on peut dire qu’il regarde Lionel Messi dans les yeux, qui sait ?
Même si, au fil de ce très long article, on a déjà pu lister certaines des caractéristiques de l’écossais, il reste important de détailler le profil de Ryan Gauld. En quelques mots : Ryan Gauld est un de ces meneurs de jeu axiaux, avec le bagage physique et la mentalité adéquate pour s’imposer dans le football actuel. Pas plus, pas moins. La première chose que vous pourrez remarquer chez lui : sa qualité de passe. Très peu de joueurs dans le monde peuvent se targuer de mieux lire les lignes que le leader des Whitecaps. Et ce, sans avoir véritablement besoin d’être une menace dernier tiers. Un joueur capable de porter la balle, la porter quelques secondes, et dynamiser une offensive par ses pieds.
Cependant, les autres atouts que l’on attend d’un meneur de jeu ne se retrouvent pas tellement chez lui. S’il reste très adroit, sa qualité de dribble ne fait pas partie des meilleures, même en MLS. Il sera par moments capable de se repositionner bon pied, accélérer et éliminer un adversaire. Pourtant, ce n’est pas de cette manière qu’il se montre constamment dangereux : c’est bien par sa façon de distiller du caviar à différentes distances par camions entiers.
Autre bémol : de par sa taille peu impressionnante, il pourra souvent souffrir au duel. Parfois même subir les chocs et la force physique de défenseurs beaucoup plus avantagés par la nature. Une défaillance que l’homme avec lequel on l’a comparé adolescent, Lionel Messi, a su contrecarrer par sa supériorité absolue et sa qualité individuelle. Aujourd’hui, rien que par sa propension à user de la passe plutôt que du dribble, le comparer avec la Pulga n’a plus grand-chose de pertinent.
Malgré ces défauts, le néo-lusitanien compense par un professionnalisme et un excellent esprit, le poussant à s’engager et ne jamais lâcher. Ce qui mène à un workrate élargi sur une très grande aire du terrain, couplé à une certaine science de la récupération du ballon. Des efforts dont Alex Robertson (scout de Dundee United) se souvient encore, lorsqu’il l’a repéré à l’âge de onze ans : « Il arrive très souvent que, lorsqu’il y a un gars avec beaucoup de capacités football, il soit fainéant sans ballon. Quand il perdait le ballon, Ryan faisait des relais comme un yoyo pour récupérer le ballon. Il était juste différent. » (The Guardian). Un aspect de son jeu le rendant alors vital pour ne pas déséquilibrer un onze, le football ne pouvant plus vraiment faire avec des offensifs qui ne défendent pas.
Lorsque Ryan Gauld fut appelé début septembre par Steve Clarke, la boucle était désormais bouclée. Après dix ans de promesses, de galères, de traversée du désert, de rédemptions, l’écossais avait passé un cap. Celui d’être assez important pour être appelé par un sélectionneur qui l’a ignoré pendant des années. Un snobisme s’étant ressenti depuis l’Euro 2021, auquel on n’aurait pas un début de réponse : « rien de spécial n’est sorti sur leur relation, on ne saura probablement jamais pourquoi il ne l’avait pas appelé jusqu’ici. Peut-être car Steve Clarke reste un coach frileux, aimant avoir des groupes resserrés », rajoute Loïs Guzukian.
D’un côté, des raisons font qu’il est difficile d’en vouloir à Steve Clarke. Le vivier écossais dans l’entrejeu reste très relevé. Que ce soit avec des pointures comme John McGinn et Scott McTominay ; ou des noms implantés en Europe comme Callum McGregor, Billy Gilmour, Lewis Ferguson ou son ancien coéquipier Stuart Armstrong. Cependant, on ne parle pas d’un banal milieu venu faire le nombre. On parle plutôt d’un joueur unique dans son profil, avec la capacité de dynamiter un grand périmètre. Un élément qui n’aurait pas fait tâche, vu le manque de variations dans les offensives écossaises (déjà soulignées dans notre preview de l’Euro 2024).
Après un échec cuisant en Allemagne, l’arrivée de Ryan Gauld en sélection peut alors être perçu comme un aveu de faiblesse de Steve Clarke. Celui, des années après, d’enfin faire confiance à un joueur auquel on peut donner de lourdes responsabilités offensives. Celui qui peut faire dépasser le système tartan à celui des CPA et des ballons dans la boîte. Pour Loïs Guzukian, « Gauld va apporter de la créativité dans l’axe, que ce soit plus reculé ou en tant que numéro 10. Un profil qui manque terriblement, tant Steve Clarke est un fossoyeur du foot (sic). Je suis très intransigeant avec lui, mais cela me sidère qu’encore aujourd’hui, il peut considérer des Ryan Jack ou Kenny McLean meilleurs que lui. ». Comme le premier cité vient de rejoindre Erokspor (deuxième division turque), cela devrait faire un concurrent de moins.
Aujourd’hui, difficile de savoir si Ryan Gauld aura la place prépondérante qu’il mérite, au sein de la sélection écossaise. Mais on ne pourra jamais lui enlever le mérite que représente sa carrière. Celui d’un joueur talentueux, passé au-dessus de nombreux coups durs pour s’épanouir à sa manière. Un joueur et un homme loin des carcans du football moderne. Un numéro 10 dans sa pure tradition, sans doute.
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