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Martin Ødegaard, une éclosion lente

Fascinant, convaincant, éblouissant. Les superlatifs ne manquent pas pour évoquer la première partie de saison d’Arsenal.  Néanmoins, le début de saison entamé par les joueurs de Mikel Arteta surprend à moitié les journalistes Outre-Manche. En cause, un effectif de qualité sublimé par un esprit collectif aguerri. Cette alchimie est complétée par de belles individualités, influençant considérablement le jeu. Martin Ødegaard en fait partie.

Une ascension précoce, mais un talent fragile

Martin Ødegaard a seulement 16 ans lorsqu’il est transféré au Real Madrid pour 8,5 millions d’ (bonus compris). En provenance du club norvégien de Strømsgodset IF, où il était déjà auteur de performances éblouissantes. Prétendu comme l’étoile montante du football nordique, les journaux locaux le voient comme le joueur phare manquant à la sélection. John Arne Riise, ancien latéral gauche norvégien alerte sur cette pression gigantesque : « Je me sens un peu désolé pour le garçon. Avec un peu de recul, la pression peut se contrer. Mais il me semble qu’il a les pieds sur Terre et qu’il a une super famille à ses côtés » dans les colonnes du Daily Mail. L’énorme pression et la médiatisation aurait pu le faire glisser du côté des espoirs déchus, comme un certain Freddy Adu.

Lors de son arrivée chez les Merengues, il est prévu qu’il s’entraîne avec la Castilla (équipe réserve du Real Madrid). Cela n’empêche qu’il foule la pelouse du Santiago Bernabeu avec l’équipe première, le 23 mai 2015. Il remplace Cristiano Ronaldo (excusez du peu), à la 58ème minute, lors d’un match contre Getafe, gagné 7-3 par le Real. Néanmoins, ces apparitions supposées exponentielles vont faiblir. N’ayant pas la confiance de Zinedine Zidane, Ødegaard jouera deux saisons de plus en Espagne, avec la Castilla.

 

Espoir précoce en Espagne, Martin Odegaard aura du mal à faire éclore son talent chez les Merengue (Crédit : The Mirror)

Dans un contexte difficile pour un jeune étranger, il n’arrivera pas à s’épanouir dans la réserve. Il est par la suite expédié en prêt dix-huit mois à Heerenveen, puis un an au Vitesse Arnhem et à la Real Sociedad. Ses prêts se montrent assez réussis, surtout du côté de San Sebastian. Lentement mais sûrement, Ødegaard prend confiance en lui. Il arrive à faire ses marques dans le football de haut niveau, dans ce rôle de meneur de jeu qui lui sied tant. Malgré tout, le norvégien possède encore un certain manque de régularité. Il l’admet lui-même à la chaîne TV du club du Nord des Pays-Bas (Heerenveen) : « Je pense que j’ai fait des bons matchs et d’autres beaucoup moins bons. ».

Après la Sociedad, le (re)nouvel espoir retourne au Real Madrid le 1er juillet 2020. Les fans et les dirigeants Txuri-urdinak (bleu et blanc en basque) sont satisfaits de son prêt. Leur souhait était de le conserver. Pourtant Zidane, revenu sur le banc Merengue, s’oppose à ce souhait. Cette fois-ci, Martin aura du temps de jeu. Il est pour la première fois titulaire avec le club de la capitale espagnole le 20 septembre 2020. Le jeune madrilène porte 9 fois (sept en Liga, deux en Ligue des Champions) la tunique merengue, cette saison-là, puis se blesse. Une déchirure mineure, mais lourde de conséquence… Le numéro 21 ne disputera plus un seul match avec le Real Madrid. Son rêve de s’imposer en Espagne vole en éclats. L’international norvégien est envoyé en prêt à Arsenal, en janvier 2021, pour une durée de six mois.

 

Vers la New wave norvégienne

Le natif de Drammen rejoint officiellement Arsenal en prêt le 27 janvier 2021. Il raconte dans sa vidéo de présentation  qu’Arteta a joué un rôle dans sa décision, alors qu’il était toujours suivi par la Real Sociedad. « Il me semble être un top manager et j’ai aimé ses idées, son football, et sa manière d’être ». Du côté de l’entraîneur ibérique, même son de cloche : « Martin est un joueur, bien qu’encore jeune, jouant depuis un moment au très haut niveau. Il nous apportera des options offensives de qualité ». Des propos mélioratifs de chaque côté, de la confiance ! De quoi entrevoir une belle histoire d’amour entre Mikel Arteta et Martin Ødegaard ?

Le norvégien dispute ses premières minutes avec les Gunners le 30 janvier, en entrant en jeu à la place d’Emile Smith-Rowe face à Manchester United. Il dispute cette saison-là avec Arsenal, 20 matchs toutes compétitions confondues. Avec deux buts et deux passes décisives. Même si peu affriolant statistiquement, ces six mois furent convaincants, Arsenal lançant les négociations avec le Real Madrid. Ces négociations seront extrêmement longues. Elles aboutiront le 20 août 2021, lorsque les pensionnaires de l’Emirates Stadium déboursent 35 millions d’€ pour s’offrir définitivement les services du jeune norvégien.

 

Un nouveau départ en Angleterre qui permet aujourd’hui de s’affirmer comme un joueur prodigieux chez les Gunners (Crédit photo : Qutrotretre.it)

 

Sa saison 2021/2022 commence avec un peu de retard, mais cela ne le gênera pas. Connaissant le club, pas besoin de phase d’adaptation. D’un point de vue collectif, les Gunners manquent de justesse la qualification en Ligue des Champions. Une quatrième place dérobée à la dernière journée par l’ennemi juré : Tottenham. Néanmoins, d’un point de vue statistique, sa saison est jugée plus convaincante. Sept buts et cinq passes décisives en 40 matchs TTC. Son influence dans le jeu augmente elle aussi lors de cette saison. Exemplaire sur le terrain et en dehors, Martin Ødegaard est gratifié pour la fin de saison du brassard de capitaine (Aubameyang se l’est vu retirer pour indiscipline). La saison 2021/2022 fût celle de l’éclosion à très haut niveau, qu’en sera-t-elle de la suivante ?

 

Une consécration collective et individuelle

La saison 2022/2023, du milieu de 23 ans, commence sur une bonne nouvelle : il est nommé définitivement capitaine. Directement, lors de Crystal Palace – Arsenal, match d’ouverture de la Premier League, Ødegaard est titulaire. Les Gunners, emmenés par leur nouveau capitaine s’imposent sans difficulté 2-0. Toutefois, le norvégien reste assez muet tant dans la distribution que dans la finition. Idem lors du match suivant face à Leicester, Ødegaard semble absent.

Cependant, ce sentiment de mutisme ne reste guère longtemps. Dès le match suivant il se réveille en inscrivant un doublé en 6 minutes contre Bournemouth. Sa saison est définitivement lancée lorsqu’il enchaîne avec une jolie performance contre Fulham. De nouveau buteur le meneur agrandit son influence dans le jeu. Il crée de multiples occasions, réussit l’intégralité de ses centres (2/2) et de ses dribbles (5/5). Un match de haute volée technique de sa part, sublimée par une victoire collective aboutie, 2-1 face aux Cottagers.

Le jeune norvégien est la pierre angulaire du 4-3-3 modulable de Mikel Arteta. Il alterne entre une position de 10 (milieu offensif) et de 8 (milieu relayeur). Ce positionnement particulier perturbe les défenses adverses, il est donc souvent libre, se créant les espaces. Ce système modulable introduit par le coach espagnol n’est pas inconnu, c’est celui qu’utilise fréquemment Manchester City sous Guardiola. Avec, pour le rôle d’Odegaard, Bernardo Silva ou Kevin De Bruyne. Ce n’est pas anodin, puisque le coach des Gunners fût l’adjoint de Pep à City plusieurs saisons durant. Les chiens ne font pas des chats.

Dans ce jeu de position, le n°8 d’Arsenal y trouve son compte. Par son intelligence de jeu et ses évidentes qualités techniques, il crée le décalage. A travers une passe « laser », ou par un dribble, il devient un véritable facilitateur. Toutefois il privilégie généralement la passe. Ses statistiques le prouvent : une moyenne dantesque de 2.2 passes clés par match, ce qui illustre sa présence dans l’enclenchement des décalages. En Premier League, seul cinq joueurs sont au-dessus de lui. Dont des cadors comme Kevin de Bruyne, Bruno Fernandes, James Maddison… Car c’est bien de ce genre de progression dont nous parlons. Aujourd’hui, Martin Odegaard, par le travail et le trousseau de clés que lui file Arteta, est devenu l’un des meilleurs joueurs de Premier League.

Martin Ødegaard est souvent initié par lui-même, et cela permet de sortir de la zone de densité et déséquilibrer la défense adverse. Il marque le changement de rythme de l’attaque. C’est le troisième joueur d’Arsenal, le plus impliqué dans les différentes séquences d’attaque, derrière Gabriel Martinelli et Bukayo Saka. Il crée le tir, le sublime en augmentant ses chances de réussite, et parfois tire et marque. Odegaard fait tout.

Heatmaps de Martin Odegaard, prouvant une activité qui ne cesse de croître. (Crédits : SofaScore)

Dans le schéma tactique offert par Mikel Arteta, le travail défensif d’Ødegaard est tout autant louable que son labeur offensif. Auparavant, le jeune norvégien jouait un cran au-dessus, au poste de n°10. En comparant les deux heatmaps, on aperçoit plus de présence défensive cette saison que sur la dernière. Il harcèle davantage son adversaire à la perte de balle, se traduisant par une moyenne de 1.3 possession gagnée dans le dernier tiers du terrain. La saison dernière, il n’était qu’à 0,9. Cette statistique traduit la transition défensive express de Martin Odegaard, et sa capacité dans tous les compartiments du jeu. Arsène Wenger confirme les constats de ces statistiques « Il est complet. Je l’aime à tous points de vue dans le jeu. Défensif et offensif. »

La différence avec la saison dernière de Martin Ødegaard ? Il défend plus et surtout il est d’autant plus efficace et créatif. Davantage d’occasions créées passent par lui. Ses statistiques d’xG ayant doublées (0.35 à 0.70 en moyenne). Le capitaine marque d’autant plus cette saison : huit buts et cinq passes décisives. Soit déjà plus que sur la totalité de sa saison dernière. Arsène Wenger confirme encore ce constat « Je pense qu’Arteta a déjà dit qu’il voulait qu’il soit plus impliqué dans la surface de réparation. Il l’a fait lui-même. »

 

 

Le joueur du mois de décembre en Premier League a connu de nombreuses déceptions dans sa jeune carrière. Il a surmonté des moments difficiles, une attente peut être démesuré ? Toutefois, il s’est relevé, et maintenant s’impose et imprime le championnat anglais de son talent. Est-ce que cela sera déterminant dans la conquête d’un titre de Premier League tant souhaité par les Gunners ? L’avenir nous le dira.

 

Crédit Photo Une : Photo News

Zakaria Fouad

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