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Une nouvelle génération de talents estoniens est en train d’émerger, courtisé par les clubs européens à la recherche de joueur répondant aux critères du football moderne. Grâce aux datas et au scouting, les trois pays Baltes, dont l’Estonie, ont été mis sur la carte du football. Des clubs à la recherche de joueurs à potentiel à des prix intéressants pourraient les aider à matérialiser ce changement.
Le 16 novembre 2023, les Estoniens connaissent une nouvelle défaite sans but, contre l’Autriche de Ralf Rangnick (0-2). Malgré cela, la sélection décroche son billet contre la Pologne, en barrages de l’Euro 2024. Cause des bonnes performances de la sélection en Ligue des Nations, envoyant l’Estonie en Ligue C. Après une défaite 5-1, un carton rouge et une possession de balle de 15%, face aux partenaires de Lewandowski, l’un des rares éclats vient de Martin Vetkal, auteur de son premier but chez les A. Le seul tir estonien du match.
Une fraîcheur bienvenue, tant l’équipe semble encore vivre dans l’épopée des qualifications de l’Euro 2012. Après avoir hérité du numéro 14, le mythique numéro 10 orne désormais le maillot du natif de Tallinn.
Un rajeunissement nécessaire
Vingt ans séparent les deux derniers joueurs ayant porté le 14 avec les “Sinisärgid” (“les maillots bleus”). Ce dernier n’étant nul autre que Konstantin Vassiljev, né en 1984, légende locale avec 149 sélections. Inoxydable, il continue de courir et d’apporter grandement au Flora, un des deux grands clubs de Tallinn. Son homologue Martin Vetkal, issu de la génération 2004, a choisi de partir à 16 ans rejoindre l’équipe U19 de l’AS Roma. Un challenge relevé, quand on connaît la difficulté du Calcio pour un jeune joueur étranger.
Comme l’indique le compte Twitter @EstonieFrance : « un rajeunissement des sélectionnés en équipe nationale est nécessaire, mais un creux générationnel existe. Beaucoup de joueurs ont plus de 30 ans (Mets, Vassiljev, etc.) et beaucoup ont moins de 21 ans (Tunjov, Vetkal, etc.). Les plus jeunes ne sont pas encore prêts à performer dans les matchs à fort enjeux. Quelques années seront nécessaires pour que des résultats soient visibles. »
Un championnat trop petit et des clubs en manque de moyens
Malgré des clubs avec des moyens limités, ceux-ci arrivent à former des jeunes, courtisés dès leur plus jeune âge (par des clubs italiens notamment). Les joueurs estoniens partent tôt, les équipes locales n’étant pas encore en mesure d’offrir une post-formation suffisante. Malgré un passage du Flora en Conference League, les moyens et l’expérience manquent pour envoyer des clubs régulièrement en Coupe d’Europe, ou transférer des joueurs confirmés.
Petit championnat, certes…
Le championnat, la « Meistriliiga » est composée de dix équipes, cinq se trouvant dans la capitale. Afin de continuer la professionnalisation (officialisée en 2020), la VAR a été mise en place en 2023 pour la 33ᵉ édition. Flora et Levadia, les deux clubs de Tallinn, ont comme souvent dominé cette saison grâce à des effectifs plus fournis. Un derby entre les deux équipes a pu attirer plus de 3500 spectateurs. Une vraie progression dans un pays où le football reste peu suivi, le pays privilégiant les sports d’hiver. Malgré tout, la fédération observe une augmentation des licenciés (21.500 en 2021), et des téléspectateurs chaque année.
…mais formateur
Nombreux jeunes aspirent aujourd’hui à un destin similaire à celui de Martin Vetkal. Après avoir joué 19 rencontres, et être devenu le plus jeune joueur à participer à un match de l’élite estonienne avec le Tallinna Kalev en 2020. Martin Vetkal se trouve déjà courtisé par plusieurs clubs de Serie A. Malgré un intérêt du Genoa et la SPAL, la Roma finira par rafler la mise. Titulaire régulier avec la Primavera, il enchaîne les bons matchs, le staff de Mourinho l’ayant inscrit sur la liste des joueurs pouvant jouer avec l’équipe première. Si le Special One n’est désormais plus là, son numéro 65 entrera dans la légende s’il a la joie de connaître une première apparition cette saison.
Jusqu’ici, seuls quelques Estoniens avaient eu leur chance dans un club du championnat du top 5. Le plus connu reste encore à ce jour, Ragnar Klavan, passé par la Bundesliga avec Augsbourg, mais surtout Liverpool pendant deux saisons. Karol Mets, à St.Pauli depuis un an, est indissociable du onze de départ, candidat pour la montée dans l’élite allemande.
A la Conquête de l’Ouest
Un an plus tôt, un autre transfert avait été remarqué dans le petit cercle des footballeurs estoniens. Karl Hein, gardien de but prometteur d’1m94 du Nömme United, rallie Londres, pour rejoindre les rangs d’Arsenal.
Numéro 3 dans la hiérarchie derrière David Raya et Aaron Ramsdale, on le retrouve régulièrement avec le groupe professionnel. Jouant un match amical cet été dont l’OL se souvient ( les Gones ayant perdu aux tirs au but, un exercice que le portier apprécie). Rêvant d’une titularisation en Premier League, il attend avec la réserve ou profite de prêts. Notamment en 2022, du côté de Reading. En équipe nationale, son expérience et l’entraînement qu’il suit avec l’entraineur Terry Mason n’ont pas fait hésiter longtemps le sélectionneur Thomas Häberli. Désormais gardien titulaire, il compte déjà, à 21 ans, 27 sélections.
Un export sérieux, mais encore discret
La liste ne s’arrête pas là. Exemple, Maksim Paskotsi (2003) parti à Tottenham à 17 ans et transféré cet été chez les Grasshopers Zurich sans n’avoir jamais joué pour les Spurs. On peut également citer Georgi Tunjov, aujourd’hui à Pescara, s’est envolé à 16 ans du côté de la SPAL. Gregor Pürg (2005), de son côté, suit les traces de son aîné d’Arsenal du côté des jeunes de Venezia. Citons aussi Oliver Jürgens, parti à 16 ans, passé par plusieurs équipes de jeunes (Roma, Inter) avant de rejoindre Ujpest (Hongrie). Ramol Sillamaa (2004) a, quant à lui, rejoint les U19 de la Gantoise cet été.
D’autres suivront ces exemples, dont le « pionnier » était Erik Sorga. Né en 1999, l’avant-centre s’envole pour le D.C United (MLS) à 20 ans, après 78 buts en 91 matchs avec le Flora. Malgré un potentiel évident, il peinera à confirmer. Sa carrière, désormais entre Bulgarie et Azerbaïdjan, commence à ressembler à celle d’un autre buteur du pays. Henri Anier, globe-trotteur du football qui, comme lui, vogue de club en club.
Un football suivant l’évolution de la société
Une difficulté pour certains de quitter le pays…
À l’inverse des Lituaniens, plus aventureux et enclins à quitter leur pays, cette option reste marginale pour les Estoniens. Les expatriations, même en termes de carrière non-sportive, se limitent souvent à la Suède ou la Finlande voisine. Le joueur le plus capé de la sélection en est un exemple. Avec 157 sélections, Martin Reim n’a jamais quitté le championnat local.
Avant cette nouvelle génération, quelques joueurs parmi les plus talentueux de l’épopée de 2012, avaient migré vers les pays nordiques, la Pologne ou la Russie. En dehors de l’icône Ragnar Klavan, seul Joel Lindpere tenta une aventure plus lointaine ,en allant dribbler sur son aile les défenseurs en MLS avec les New York Red Bulls puis le Chicago Fire.
Cette tendance de partir à peine la formation terminée est un nouveau virage dans le football local.
…mais une jeune génération qui aspire à d’autres découvertes
Attachés à leur pays, le conflit entre l’Ukraine et la Russie a renforcé ce sentiment estonien. Les stands de tirs connaissent une affluence record depuis 2022, et le service militaire n’est plus vu comme une corvée. Cependant, le modèle économique, tourné vers les nouvelles technologies, encourage les plus jeunes à découvrir d’autres horizons.
Ces départs de jeunes joueurs reste quelque chose de nouveau pour le football estonien, mais aussi dans la société. La nouvelle génération semble vouloir se défaire un peu des habitudes du “vivre heureux et caché” de leurs ainés.