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ESTAC Troyes : Une seconde saison compliquée

L’ESTAC Troyes, club emblématique de Champagne-Ardenne, a connu une montée historique en Ligue 1 après avoir remporté la Ligue 2 2020-2021. Cependant, à six journées de la fin de la saison, le club est en difficulté. Les supporters craignent un retour en Ligue 2 la saison prochaine. Après avoir été racheté en 2020 par le City Group, les dirigeants ont commencé à mettre en place leur stratégie en nommant François Vitali comme directeur sportif puis Aymeric Magne comme directeur exécutif.

Un retour dans l’élite pour l’ESTAC après un pataugement en Ligue 2

Il est de ces clubs que l’on connaît ces dernières années pour des running gags plutôt que pour des exploits. C’est typiquement le cas de l’ESTAC, club emblématique de Champagne-Ardennes dans l’ombre de Reims et Sedan, même si la tendance s’inverse par rapport au second depuis les années amateur des Ardennais. Incarné par la longévité de la légende du club Benjamin Nivet, le club n’a pas connu le succès escompté ces dernières années. En effet, durant les années 2010, le club est remonté par trois fois en Ligue 1 (dont un titre de champion en 2015) sans jamais se maintenir à l’échelon supérieur.

 

Une décennie 2010 à faire l’ascenseur

A chaque passage dans l’élite, des difficultés sont rencontrées, soit sur le plan financier, soit sur le plan sportif. Dans ce premier contexte, le club Aubois s’est vu interdire de monter dans un premier temps par la DNCG en 2015. Grâce à des ventes in extremis, le club valide son accès mais a connu une année sombre en championnat. Impacté par la vente forcée des meilleurs joueurs de la saison de Ligue 2 (Carole et Jean), et un recrutement à moindre coût, la sauce Furlan ne prend pas en Ligue 1 et avec 18 points pris sur l’année, le club réalise la pire saison d’un club dans l’élite depuis Lens en 1989 (17 pts).

Lors de la saison 2017-2018, les hommes de Jean-Louis Garcia sont de retour dans l’élite. Après une première partie de saison irrégulière, la bande de Nivet craque sur la deuxième partie de saison et descend lors des dernières journées.

 

La consécration des années Batlles

Après plusieurs bonnes années en Ligue 2 et la frustration de la saison blanche en 2020 suite à la pandémie (le club finit aux places de barragistes mais ces derniers ne seront pas organisés suite à l’arrêt du championnat), l’ESTAC voit la lumière. Après la vente du club détenu par Daniel Masoni au City Group le 3 septembre 2020, Troyes réalise une saison XXL qui leur permet de remporter la Ligue 2 2020-2021. Un retour dans l’élite après trois ans en Ligue 2 sans pour autant investir drastiquement dans le club dès la première année.

Cette montée est à créditer en partie à Laurent Batlles pour les supporters. Arrivé en début de saison 2019-2020 sans expérience d’entraîneur d’une équipe première, son plan de jeu inédit (3-5-2 asymétrique ou 4-4-2 losange) fonctionne et le groupe s’entend à merveille sur le terrain. Dans tous les secteurs, une valeur ajoutée est à mettre en avant. Reste désormais à voir si la machine continue de fonctionner correctement dans l’élite.

 

Le titre de champion de France de Ligue 2020-2021. Une consécration du jeu proposé par Battlles et sa bande. Crédit : ESTAC

 

Le City Group place ses hommes de confiance progressivement à l’ESTAC

 

Après le titre de Ligue 2, il est temps de préparer une campagne de Ligue 1 avec enfin les moyens de concrétiser des ambitions. Lors des dernières montées, les Champenois n’avaient pas de budget conséquent à investir pour se renforcer dans l’élite. Toutefois, en 2021, le City Football Group possède les moyens financiers et humains pour inverser la tendance.

 

François Vitali remplace Luis de Sousa à la direction sportive

 

Au fur et à mesure que la transition s’effectue, la direction effectue ses changements managériaux et exécutifs. Lors de la saison 2020, c’est le directeur sportif François Vitali qui prend la relève de Luis de Sousa, présent depuis 2016 au club. Après avoir été directeur sportif du LOSC lors des dernières années de Michel Seydoux dans le club nordiste puis deux ans au Cercle Bruges après le rachat du club par l’AS Monaco, François Vitali possède un début de carrière intéressant sur le CV.

Dans les faits, ses périodes sportives ont été marqués par des hauts et des bas. Spécialisé dans le recrutement de jeunes à haut potentiel, beaucoup d’entre eux n’ont malheureusement pas eu le succès escomptés (Lenny Nangis, Baptiste Guillaume, Yassine Benzia, Fahrès Bahlouli, etc.) même si d’autres profils sont d’excellentes pioches (Mike Maignan et Nicolas Pépé notamment).

 

Erick Mombaerts et François Vitali (de gauche à droite), deux membres du trio intronisé par le City Football Group. Crédit : Est Eclair

 

Aymeric Magne à la présidence exécutive

 

S’en suit la saison 2021-2022 avec la nomination d’Aymeric Magne au poste de président et directeur exécutif du club. Magne n’est pas inconnu dans le domaine sportif puisqu’il possède 18 ans de carrière dans les gestion médias sportives en Afrique, Amérique du Sud et dans les gestions administratives d’enceintes sportives. C’est la première fois que Magne accède à un poste à responsabilité dans un club de foot et servira de gestionnaire pour le City Group. Dans les faits, le choix est salué par les critiques, dans la réalité, il s’est déjà mis beaucoup de supporters à dos avec ses sorties médiatiques.

 

Aymeric Magne, président exécutif de l’ESTAC, arrive avec un bagage dans le domaine sportif conséquent. Pour autant, il manque le management et la communication presse. Crédit : ESTAC

 

Erick Mombaerts : Homme de confiance du City Football Group

 

Le dernier profil arrivé tout droit du City Football Group est Erick Mombaerts. L’ancien entraîneur de Toulouse, Paris ou le Havre est intégré au CFG depuis 2015. Au départ manager des Yokohama Marinos (Japon) puis Melbourne City (Australie), il devient par la suite conseiller du club en 2021. Fournisseur d’idées sportives à Aymeric Magne, il assure également un rôle d’entraîneur de la réserve en National 3 pendant quelques mois en 2022.

Une première saison de Ligue 1 dans la douleur pour l’ESTAC

 

Une stratégie de trading proposée par City Football Group

La stratégie du CFG pour les transferts repose sur le trading. Dans une bulle spéculative française où les clubs de Ligue 1 doivent vendre pour arriver à l’équilibre dans les résultats, il faut rapidement trouver des jeunes ou des prospects à fort potentiel de revente. C’est dans ce contexte que Troyes parie sur des investissements à long terme comme Metinho (Fluminense), Giulian Biancone (Monaco), Yasser Larouci (Liverpool) ou Mykola Kukharevych (Rukh Lviv).

Pour consolider le tout, Manchester City met à disposition des joueurs en prêt ou libre tels que Erik Palmer-Brown, Issa Kaboré, Patrick Roberts ou Philippe Sandler. Enfin, des transferts de joueurs venants de clubs relégués (Renaud Ripart, Mama Baldé), Rominigue Kouamé conservé après son prêt et de l’expérience (Jessy Moulin, Adil Rami, Xavier Chavalerin).

Une ossature complétée avec 22M€ investis et aucun départ important hormis Dylan Saint-Louis à Hatayspor. Laurent Battles peut compter sur ses hommes de confiance Gauthier Gallon, Florian Tardieu ou encore Rominigue Kouamé. La confiance, c’est celle du City Football Group que le coach stéphanois a perdu.

 

Issa Kaboré lors de sa présentation en 2021. Le latéral Burkinabé est prêté par Manchester City. Crédit : ESTAC Troyes, CC BY 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/3.0>, via Wikimedia Commons

Battles remercié malgré des performances encourageantes

 

Après une première partie de saison homogène dans les résultats et une 14è place à la trêve, il est démis de ses fonctions. Une situation qui surprend plusieurs supporters et médias, tant le jeu proposé par Battles est considéré comme attrayant et agréable à regarder. Un football qui ne gagne pas souvent, mais qui crée la surprise et le spectacle. Un choix d’Erick Mombaerts, qui souhaite placer ses pions au fur et à mesure.

C’est dans ce contexte qu’arrive Bruno Irles. L’ex défenseur de l’AS Monaco réalise un début de carrière d’entraîneur prometteur. Avec deux montées consécutives en Ligue 2 avec Pau et Quevilly entre 2020 et 2021 puis une première partie de saison au-dessus des attentes avec QRM avec une onzième place, il se place parmi les favoris au poste. Une arrivée impopulaire qui provoque des contestations parmi les supporters.

 

Bruno Irles pour la continuité du travail effectué

 

Une situation qui a soulagé les supporters, qui étaient dans la crainte de voir Mombaerts devenir l’entraîneur de l’équipe. Sauf qu’à 66 ans au moments des faits, il devait demander une dérogation de la LFP. Tout simplement car en France, les entraîneurs ne peuvent plus prendre la tête des équipes de Ligue 1 passé 65 ans. Seuls Claudio Ranieri et Raymond Domenech ont obtenu une dérogation positive de l’UNECATEF ces dernières années.

Un jeu moins attrayant mais plus offensif permet aux joueurs troyens de garder la tête hors de l’eau. Sans jamais croiser la zone rouge depuis la troisième journée, l’ESTAC se maintient en Ligue 1 et met fin à une série d’ascenseurs interminables. Cependant, Irles ne fait pas l’unanimité dans le vestiaire et des tensions sont relayées dans la presse. Pour couronner le tout, Erick Mombaerts, homme de confiance du président, lâche des petites crasses sur son coach dans son dos. Belle ambiance.

 

Bruno Irles, au Late Football Club, n’a pas fait l’unanimité, mais le travail effectué n’a jamais mis l’ESTAC en difficulté sportivement. Crédit : Cocoleonel sur Wikimedia Commons

 

 

Une mi-saison pour tout casser et retour plus que probable en Ligue 2

 

Un mélange d’expérience et de jeunesse avec très peu de départs

Maintenant que le club s’est maintenu , il faut renforcer les secteurs qui en ont le plus besoin et remplacer les départs. Et des départs importants, il n’y en a eu qu’un seul. Giulan Biancone, défenseur polyvalent, prend la direction de Nottingham pour 10M€. Un départ qui malgré les arrivées, ne sera jamais vraiment remplacé. Du côté des arrivées, la stratégie trading est de retour avec l’achat de Savio à l’Atletico Mineiro et prêté dans la foulée au PSV.

D’autres jeunes à potentiel comme Jackson Porozo, Thierno Baldé, Andreas Bruus et Wilson Odobert débarquent, complétés par des prêts (Lucien Agoume, Rony Lopes, Papa Yade, etc.) et deux signatures de placardés de City (Marlos Moreno, Ante Palaversa).

 

Une première partie de saison qui aura eu raison d’Irles

 

Un problème subsiste cependant dès le début de saison : qui va assurer le rôle de relanceur en défense et qui va animer les différents postes au milieu de terrain ? Des réponses en suspens encore aujourd’hui, en avril 2023. De plus, il manque des profils diversifiés en attaque. Bruno Irles et son équipe ont pour objectif une 10è place et proposer plus de stabilité défensive.

La saison démarre avec des résultats en dent de scie (séries de défaites, puis victoires, puis matchs nuls, etc.). A chaque rencontre, l’ESTAC donne l’impression de dominer les débats. Cependant, de grosses largesses défensives et des lacunes devant ont poussé Troyes en bas de tableau. Et ce malgré un début de saison XXL de Mama Baldé. Des conséquences qui mènent à la trêve de la Coupe du Monde à la 13è place en Ligue 1. Avec seulement 3 victoires en 15 matchs, Bruno Irles est remercié par la direction, dans une saison à quatre descentes ou les coachs disparaissent plus vite qu’un entraîneur à Chelsea.

 

Patrick Kisnorbo : une victoire depuis janvier et 4 points pris sur la deuxième partie de saison

 

Pour redresser la barre, une solution au sein du City Football Group est trouvée. Actuellement en poste dans la filiale du Melbourne City FC, Patrick Kisnorbo prend la suite de l’ex-entraîneur de QRM en novembre 2022. Ancien adjoint de Mombaerts en Australie, il a pris la relève de ce dernier à la tête de Melbourne entre septembre 2020 et novembre 2022. Avec un titre de champion d’Australie, glané en 2021.

Lors du mercato hivernal, il était important d’anticiper les postes à renforcer. Pour les supporters, c’était un défenseur capable de jouer la relance et de la rotation aux postes offensifs. Pour la direction, Aymeric Magne fait venir Alexis Tibidi, jeune prospect de Stuttgart, attaquant capable de jouer sur les deux ailes. Et personne d’autre.

La dynamique que devait insuffler Kisnorbo au groupe a eu l’effet inverse. Avec une seule victoire en janvier contre Strasbourg et que des nuls et défaites depuis, le pari australien a envoyé Troyes dans les tréfonds du classement. Avec maintenant 10 points de retard sur la 17è place à 6 journées de la fin, une descente de Troyes serait plus que possible.

D’autant que les dirigeants ont déjà la tête en Ligue 2. De leur côté, si l’année prochaine le club Aubois doit jouer dans l’antichambre de l’élite, Patrick Kisnorbo sera l’homme de la situation pour Vitali. Une leçon de communication proposée par l’ESTAC pour réassurer ses supporters.

 

Patrick Kisnorbo, entraîneur actuel de l’ESTAC, peine à trouver des solutions pour sa première expérience européenne. Crédit : ESTAC

 

Le quatuor du City Group introduit à l’ESTAC critiqué par les supporters

 

Depuis l’arrivée du City Group, Le changement de direction devait permettre aux supporters troyens de retrouver la confiance après des années Masoni où la vente fut accueillie de manière très positive. Cependant, en l’espace de quelques mois, tous les acteurs ont réussi à s’attirer les critiques des fans.

Pour ne rien arranger, Aymeric Magne a été condamné dernièrement pour des faits extrasportifs. Si les demandes de démission s’accumulent, dans les faits le CFG n’a pas communiqué d’informations à propos de changement de staff dans les mois à venir.

Après avoir espérer un retour en fanfare, l’ESTAC nous propose un spectacle de foire. Avec un banter era digne des plus grandes vidéos de Romain Molina, Troyes s’enfonce d’elle même en Ligue 2 alors que les moyens en place pouvaient permettre de se stabiliser en Ligue 1. Avec Kisnorbo en Ligue 2, quid de l’avenir des Champenois l’année prochaine ? Réponse cet été.

Arthur Geillon

Co-fondateur de Douzième Homme. Passionné par la Ligue 2, la formation et les samedis soirs à Bonal.

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