Coupe d’Asie 2024 : Qatar – Qu’attendre d’un champion en déclin ?

À l’aube de la 18ème édition de la Coupe d’Asie, le Qatar se prépare à remettre son titre en jeu devant son public. Or, depuis l’épopée des hommes de Félix Sanchez en 2019, les choses ont bien changé. Le coach espagnol qui avait emmené les Annabis sur les sommets du continent asiatique n’est désormais plus là. Une telle décision due à de nombreuses déceptions, dont le Mondial fut le point culminant. C’est une équipe en quête de repères qui se prépare à accueillir les meilleures nations du continent. Alors, que peut-on réellement attendre du Qatar en janvier prochain ?

Une fragilité palpable

Pour leur première participation en Coupe du Monde, il n’est pas peu de dire que les Qataris ont déçu. Malgré les différentes prestations encourageantes qu’ils ont livrées en amont, notamment lors de l’Arab Cup ou de la Gold Cup où les Annabis ont atteint le stade des demi-finales, ils n’ont pas réussi à inscrire un seul point, et n’ont que très peu montré de choses positives lors de ce Mondial. Les leaders habituels étaient aux abonnés absents, notamment Akram Afif qui n’a fait qu’enchaîner les erreurs techniques. Globalement, l’équipe semblait en manque d’automatismes, alors qu’ils ont pourtant joué depuis des années ensemble, à peaufiner le système tactique et la mentalité à adopter. Un véritable échec collectif qui est retombé comme bien souvent sur le coach Félix Sanchez, qui est démis de ses fonctions quelques jours après l’élimination.

C’est la fin d’une ère pour le Qatar, une ère marquée de l’empreinte de l’Aspire Academy et sa philosophie. Pour le suppléer, c’est Carlos Queiroz qui est choisi par la fédération, en vue de la Coupe d’Asie 2024. Fort de son bon parcours à la tête de l’Iran ou de l’Égypte, sa nomination est, sur le papier, une bonne chose pour le Qatar. Toutefois, le style de jeu proposé par le coach portugais est radicalement différent à celui proposé par Sanchez, et quelques observateurs soulèvent déjà les risques liés à un changement de philosophie si brutal. En plus de cela, l’harmonie qui autrefois faisait la force du groupe semble ne plus être d’actualité, avec de nombreux cadres écartés pour diverses raisons. Abdelkarim Hassan, latéral gauche incontournable, nommé joueur asiatique de l’année en 2018, a été brutalement suspendu pour une durée indéterminée par la fédération et par son club Al-Sadd. Une décision motivée par des déclarations à chaud sur les réseaux sociaux, en réponse à des fans mécontents au sortir de l’élimination du Qatar au Mondial. Hassan n’a pas revêti le maillot de la sélection depuis près d’un an, et il est peu probable de le revoir sous la tunique bordeaux.

Malgré sa renommée, le football de Carlos Queiroz est en contradiction totale avec l’idéologie qatarie. (Crédit photo : Alderbyshow – Twitter)

En parallèle, d’autres cadres du vestiaire ont été désavoués par Carlos Queiroz, notamment Saad Al-Sheeb, tombé en disgrâce après de très médiocres prestations ces derniers mois. S’ajoutant à ces changements un style de jeu qui ne correspond pas vraiment aux qualités des joueurs qataris, et le mélange ne prend pas. Le bilan de Queiroz n’est pas bon, avec 50% de défaites. Certaines très lourdes, la plus marquante contre le Panama (4-0) en Gold Cup, mais aussi une instabilité dans les choix de joueurs, avec une composition différente à chaque match. Difficile ainsi d’instaurer de la stabilité. À désormais moins d’un mois de la confrontation avec le Liban en ouverture de la Coupe d’Asie, c’est Tintin Marquez, l’actuel coach d’Al-Wakrah, qui aura la charge de diriger la sélection. Avec une petite particularité, son contrat ne prenant effet que pour la Coupe d’Asie, l’espagnol reprendra ses fonctions en club dès la fin de la compétition. Alors que le timing de ce changement pose question, les supporters sont en droit de se demander si ce ne pourrait pas être une aubaine, tant le style de Marquez se rapproche de ce que pouvait proposer Sanchez lors de « l’âge d’or » de la sélection.

Des changements salvateurs ?

Bien que le délai d’acclimatation soit court, l’arrivée de Tintin Marquez pourrait insuffler une nouvelle dynamique positive à la tête du Qatar. En effet, depuis sa prise de fonction en 2018, le club est remonté en Qatar Stars League, a grimpé petit à petit la hiérarchie, avant de devenir aujourd’hui l’un des meilleurs clubs du championnat actuellement. La saison dernière, Al-Wakrah a obtenu pour la première fois depuis 2002 sa qualification en Ligue des Champions asiatique, et est aujourd’hui à la mi-saison 2023/2024 dauphin de QSL. Une progression impressionnante, grandement due à la direction donnée à l’équipe par Tintin Marquez, bien que l’affaiblissement progressif des ogres habituels (Al-Duhail et Al-Sadd en tête) a également contribué. Le jeu pratiqué par Marquez se rapproche des idéaux de Félix Sanchez. Un jeu court au départ de la défense, avec des redoublements de passes à un rythme élevé.

Sans surprise, le métronome de l’équipe, Akram Afif, est toujours la pièce centrale du dispositif créatif, étant au départ de la majorité des actions intéressantes. Il se distingue par ses accélérations depuis l’aile gauche et ses combinaisons en une-deux avec son avant-centre ou son latéral gauche. Depuis 5 ans, en plus d’en être la force créative, il est le baromètre offensif de l’équipe. Lorsqu’il est en forme, on peut attendre de belles choses ; en cas de jours sans, c’est plus compliqué pour toute l’équipe. Et ceci était justement l’une des grosses faiblesses du Qatar sous Félix Sanchez, et il sera intéressant de voir ce que le nouveau système mis en place pourrait changer.

Un système que les joueurs de la sélection connaissent donc assez bien dans les grandes lignes. Revenir à ces fondamentaux tactiques pourrait donc être la clé pour retrouver de la stabilité pour les Annabis.

La liste des 27 sélectionnés par Tintin Marquez en vue de la Coupe d’Asie 2023. (Crédit photo : QFA)

En termes de stabilité, le groupe sélectionné par Marquez est assez similaire à ce que l’on a eu l’habitude de voir avec le Qatar. En effet, on retrouve les cadres habituels du vestiaire avec Pedro Miguel, Akram Afif, Almoez Ali ou encore Hassan Al-Haydos. Le nouveau visage de cette sélection est celui de Lucas Mendes. Naturalisé il y’a quelques années, le défenseur central de 33 ans un temps remarqué l’Olympique de Marseille et évoluant aujourd’hui à Al-Wakrah, est retenu pour la seconde fois seulement au sein du groupe. Son talent et son apport pour la sélection ne fait que peu de doute, mais Félix Sanchez ne lui a jamais fait confiance sous son mandat. Son expérience pourrait malgré tout être déterminante afin de maintenir une assise défensive solide. A quelques jours du tournoi, on voit bien une paire de centraux avec Khoukhi se mettre en place ; mais seul l’avenir nous le dira !

Parmi les absents, on peut noter les absences au milieu de terrain d’Assim Madibo, mais surtout de Karim Boudiaf, jusqu’alors cadre de la sélection. Le natif de Rueil-Malmaison paie ses prestations médiocres depuis quelques temps, et il est peu probable de le revoir sous le maillot du Qatar. Dans l’ensemble, malgré quelques changements mineurs, le groupe reste sensiblement le même à ce qu’il est depuis maintenant plusieurs années et l’époque Félix Sanchez. Un cœur de joueurs formés localement au sein de l’Aspire Academy ou des clubs majeurs avec quelques naturalisés de longue date comme cadres (notamment Pedro Miguel ou Lucas Mendes, respectivement natifs du Cap-Vert et du Brésil).

Quel parcours pour le Qatar ?

Toutefois, malgré cette impression de stabilité, le groupe n’a que très peu de temps pour se préparer, et tout ce qui aura été accompli ne pourra pas servir de base pour le futur, puisqu’il faudra trouver encore un nouveau sélectionneur à l’issue de la compétition. Et bien que le groupe tiré au sort par le Qatar soit assez abordable (Liban, Chine, Tadjikistan), il convient de dire qu’il sera bien plus ardu de se défaire des grands d’Asie, tels que la Corée du Sud, le Japon, l’Iran ou encore l’Australie. Il est hautement probable que le miracle de 2019 ne se produise pas à nouveau – la foudre ne frappe en effet jamais deux fois au même endroit – mais il sera intéressant de voir le visage qui sera affiché lors de cette compétition, qui plus est à domicile.

Ces grands bouleversements sur l’année 2023 ont érodé la confiance des supporters en la capacité du Qatar à continuer de performer au plus haut niveau continental. Mais ce sera l’occasion pour les Annabis de – peut-être – redorer leur blason vis-à-vis de leurs fans, et de se repositionner petit à petit parmi les plus grands d’Asie.

Sami Hammoud

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