Alors que l’on s’attendait au sempiternel Old Firm pour offrir spectacle et suspense à la Premiership, voilà qu’une nouvelle équipe refait surface : Aberdeen. Aujourd’hui à seize heures, ils affronteront le Celtic dans un contexte très particulier : en sept matchs de championnat, les deux cylindrées sont à 100% de victoires. Un scénario digne des combats de gladiateurs.
Leverkusen – Eintracht. Brest – Rennes. Bayern – Stuttgart. Roma – Inter. Après une trêve internationale qui n’aura pas fait rêver grand monde, le football de clubs repart pour un bon mois. Pour fêter ça, on peut dire que ce week-end du 19 octobre est garni de grosses affiches, tout autour de l’Europe. Pourtant, une rencontre pointe le bout de son nez, sans qu’on ait pu s’y attendre. Nous parlons ici de Celtic – Aberdeen, les deux machines d’Ecosse en ce début de saison.
Les grosses affiches en dehors du Old Firm s’y font rares. Certes, il y a toujours le derby de Dundee, ou encore celui d’Edimbourg (Hearts – Hibernian), mais aucune ne possède cette fibre déterminante pour le championnat. Pour dire, il est très probable qu’un supporter n’aie pas le souvenir du dernier match du genre n’opposant pas le Celtic et les Rangers. En revanche, il se rappellera sûrement du dernier championnat remporté par un club non originaire de Glasgow : le back-to-back d’Aberdeen entre 1983 et 1985. Le tout, sous l’égide d’un certain Alex Ferguson, qui a fait un petit bout de carrière après cela.
Jimmy Thelin, actuel manager d’Aberdeen, pourra-t-il marcher dans les pas du Sir ? Tout le mal qu’on lui souhaite. Aberdeen peut-il vraiment gagner le championnat cette saison ? Il ne faut tout de même pas pousser. Cependant, il faut saluer l’ouvrage du suédois, tant le contexte des Dons était brûlant. Qualifiés en Conference League lors de la saison 2023-2024, les prestations vont être très décousues. Malgré de beaux résultats en Europe (victoire 2-0 contre l’Eintracht), le championnat ne suit pas. Au point de remercier Bobby Robson et d’aller sortir Neil Warnock de la maison de retraite. Après six matchs de championnat et aucune victoire, l’expérience tourne au cauchemar. Ambiance Domenech. Le tout pour finir dans le groupe de relégation, dans l’indifférence générale.
Ayant scruté dans les pays nordiques, le board se tourne vers Jimmy Thelin, technicien de quarante-six ans, à l’origine de la montée en puissance d’Elfsborg. Dont résulte un lent processus de reconstruction de six ans qui renverra les jaunes et noirs parmi les gros clubs de Suède. En témoigne ce 1-0 contre la Roma, il y a quelques semaines en Europa League. Alors qu’on pouvait penser à un développement semblable, avec une ou deux saisons pour trouver ses marques, il n’aura fallu que quelques semaines. Sept matchs, sept victoires. On peut même monter à treize en autant de matchs, en y incluant la Coupe de la Ligue écossaise. Aberdeen est le seul club à n’avoir connu que des victoires dans toute l’Europe sur l’exercice 2024-2025. Un véritable don pour les Dons.
Comment expliquer un tel départ canon ? Après discussions avec Aberdeen France, compte Twitter sévissant depuis quatre ans pour relayer l’actualité du club, le tout commence par une communion retrouvée. Mais aussi un plan tactique assez simple : « Aujourd’hui, Aberdeen joue tourné vers l’avant et avec bonne intensité, avec une envie de jouer vite. C’est un style de jeu qui non seulement nous fait gagner des matchs, mais qui a redonné aux gens la volonté de revenir à Pittodrie ». De l’impact, du mouvement par les ailes et une présence prépondérante dans les derniers mètres, c’est un peu tout ce qui a fait le succès d’Elfsborg ces dernières années. Une tactique peu révolutionnaire avec des attaques rapides, un bloc regroupé et un pressing intense dans sa propre moitié de terrain, mais une mentalité qui révèle des talents insoupçonnés.
Dans ce onze plutôt éclectique en termes de nationalités, se trouve un concept commun : l’impact et l’endurance. A l’image de cadres en désuétude que la nouvelle dynamique a su réveiller. Par exemple, Graeme Shinnie, ex-international, a retrouvé de sa superbe en pointe basse. Slobodan Rubezic, monténégrin un temps suivi par Tottenham, garde toute sa supériorité physique. Mais la plus belle transformation reste celle des deux latéraux, Nicky Devlin et Jack Mackenzie, pleins de confiance et de travail sur les deux côtés du terrain. A tel point que Steve Clarke avait décidé de les appeler pour le rassemblent d’octobre. Une autre belle histoire avec Ryan Gauld.
A cette base remodelée, s’ajoutent des recrutements très malins. En pointe, peut-être que vous reconnaissez Kevin Nisbet, ancien buteur prolifique d’Hibernian prêté par Milwall. Une belle succession à Bojan Miovski, parti relever le gros défi de Girona contre cinq millions d’euros : « Sans lui, on aurait été relégués la saison dernière. Il restera comme le meilleur joueur que l’on ait eu sur les dix dernières années », nous précise le supporter d’Aberdeen. Au cœur de la colonne vertébrale, le vétéran norvégien Sivert Heltne Nilsen forme un double pivot cohérent et complémentaire de par la qualité de son pied droit. Un pied droit qui a fait ravage en Eliteserien, pour participer à la remontée de Brann.
En dernier rempart, le bulgare Dimitar Mitov continue dans la lignée de son excellente saison à St. Johnstone. Pour compléter la charnière centrale, un autre jeune rugueux en la personne de l’irlandais Gavin Molloy, débarqué de Shelbourne pour une bouchée de pain. Enfin, une potentielle star avec le finlandais Topi Keskinen, qui portait toute la créativité du morne HJK Helsinki sur ses épaules. Capable de jouer sur les deux ailes, sa vitesse, sa première touche et sa qualité de dribble en font une menace offensive constante.
Du côté de l’hégémonique champion d’Ecosse, la rengaine reste la même. Domination locale (sept victoires en autant de matchs, vingt-deux buts marqués pour un seul encaissé), mais le même plafond de verre en Ligue des Champions. Faute à un manque de préparation adéquate contre les grosses cylindrées européennes. Malgré un très bon départ contre le Slovan Bratislava (5-1), le retour de Dortmund se fera avec un plan de jeu trop ambitieux et sept buts dans la musette. Malgré ces déconvenues qui le fragilisent, le retour de Brendan Rodgers à Glasgow fut un bon choix, comme nous le confirme le compte Twitter Celtic France : « Aujourd’hui, la mentalité ne change pas : on joue tous les matchs pour les gagner. Mais Rodgers possède une approche différente avec les joueurs, dans le sens où il se rapproche plus d’eux comparé à Postecoglou. ».
Brendan Rodgers ne s’est pas vraiment embêté : il a appliqué à la carte le 4-3-3 d’Ange Postecoglou, qui avait su replacer le Celtic en tant que seule machine du territoire. Pour autant, dire qu’il a repris tout le travail de l’australien serait erroné. La grosse différence tactique demeure ces responsabilités supplémentaires avec ballon données aux latéraux, toujours plus haut pour offrir un surnombre et des décalages. Par ces choix, Alistair Johnston et Greg Taylor se trouvent dans la forme de leurs vies.
On peut aussi louer l’entraîneur nord-irlandais pour ses bonnes décisions de recrutement. Le gros mouvement en provenance de Glasgow, celui du fantasque danois Matt O’Riley pour Brighton (30 millions d’euros), fut bien préparé. Grâce à l’arrivée d’Arne Engels, reconnu pour son jeu long et sa facilité à combiner, ont permis de garder le même dynamisme dans l’entrejeu. Nicolas Gerrit-Kühn, arrivé sur la pointe des pieds du Rapid Wien, est devenu une idole du Celtic Park en six mois. Sa vitesse supersonique et sa facilité à prendre les espaces ne permet non pas de créer des contre-attaques, mais de débloquer des situations parfois difficiles, tant les adversaires se regroupent à l’extrême.
Pour le long terme, on pense aussi à travailler sans Reo Hatate et Kyogo Furuhashi, qui ne résisteront pas éternellement à la Premier League. C’est pour cela que Paulo Bernardo, arrivé définitivement du Benfica ; et le buteur irlandais Adam Idah (en provenance de Norwich, pour onze millions d’euros) ont fait leur apparition dans la rotation celtique. Une gestion d’équipe soignée aussi pour d’autres joueurs de rotation, comme Alex Valle, Auston Trusty ou Luke McCowan.
Aberdeen peut-il gagner aujourd’hui et tenir ce rythme de croisière ? Probablement pas. Mais les bases ont été posées pour enfin avoir une équipe capable de rivaliser avec les titans du Celtic et des Rangers, et rien que cette idée est à saluer. Cependant, peu probable ne veut pas dire impossible. Nous avons précédemment évoqué que les deux équipes avaient des problèmes défensifs, et les exploiter en contre-attaque du côté des Dons restera le plan A. Pas de quoi imaginer un nouveau 7-1, mais de quoi tenir la cadence et les surprendre. Un potentiel succès de plus, qui serait le premier de marque, tant Aberdeen a surtout eu à faire à des équipes de bas de tableau.
Pour terminer, nous avons fait le choix de laisser le mot de la fin à la référence française du football écossais : Loïs Guzukian, administrateur du compte Scottish Football :
« Aberdeen vit un conte de fées, le Celtic se solidifie et Brendan Rodgers s’améliore malgré l’humiliation contre Dortmund. Le match peut cependant être très ouvert de par leurs failles défensives et mener à quelque chose d’inattendu. Aberdeen, juste avant la trêve, était en train de se faire manger par les Hearts, mais ont profité d’un rouge de Jorge Grant pour arracher la victoire. Même s’il y a de très belles armes offensivement et qu’ils peuvent profiter d’erreurs de concentration, je penche pour une victoire du Celtic. Deux buts à un. »
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