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CAN 2024 : Zambie : une nation qui peut surprendre à nouveau le continent

Pays de 19 millions d’habitants, la Zambie fait partie des vainqueurs de la CAN et attire forcément l’œil des observateurs en qualité d’outsider. N’étant plus qualifié depuis 2015 et une décevante dernière place, les Chipolopolos (« boulets de cuivre ») sont de retour sur cette CAN avec l’objectif de progresser avec un groupe mis en place depuis quelques années.

Une sélection victorieuse en Afrique avec une histoire marquée par une tragédie

Sélection créée en 1964 quelques mois avant l’indépendance, son premier match se passe contre un des futurs adversaires de cette CAN, la Tanzanie. De fil en aiguille, la sélection progresse et participe à sa première CAN dès 1974. Sensation, cette compétition va voir la jeune nation se hisser jusqu’en finale. Finale avec un format différent d’aujourd’hui car à l’époque, une finale ne pouvait pas se finir aux tirs aux buts. Poussant le Zaïre dans un match nul (2-2), un match retour sera joué, beaucoup plus à l’avantage des Léopards et Mutumbula.

Au plus haut niveau, celui de la Coupe du Monde, la Zambie ne fera malheureusement pas vraiment parler d’elle avec des résultats inconstants. Heureusement, les Chipolopolos savent se démarquer dans les autres compétitions. Le 19 septembre 1988, à Gwangju, la Zambie marquera un évènement international de son empreinte. Aux Jeux Olympiques, les zambiens affronteront l’Italie de Ciro Ferrara. Beaucoup plus huppée, la Squadra Azzurra assistera impuissante à sa propre humiliation, avec une victoire 4-0 de la Zambie. Avec un triplé de Kalusha Bwalya, meilleur joueur de l’histoire du pays. Premier de sa poule, les Chipolopolos se hisseront jusqu’en quarts, avant de se faire étriller par la RFA de Jurgen Klinsmann (0-4).

Kalusha Bwalya, la plus grande icône zambienne, recevant le titre de joueur zambien de l’année 1984. Un long chemin avant le Ballon d’Or Africain de 1988. (Crédits photo : Twitter de Kalusha Bwalya)

Cette euphorie sera suivie par son plus grand drame. Le 27 avril 1993, un crash d’avion transportant l’équipe en direction du Sénégal fera trente morts, dont dix-huit joueurs, peu après un arrêt à Libreville. Après un premier arrêt au Congo, une faiblesse dans l’avion se fera sentir mais la sélection continue sa route. Après un nouvel arrêt, cette fois-ci dans la capitale du Gabon, un pilote commettra une erreur technique. Ce qui va entraîner une chute de l’appareil dans l’océan Atlantique. Deux joueurs majeurs étaient absents lors de ce drame (Charly Musanda et Kalusha Bwalya) et vont construire une sélection à la hâte et celle-ci, notamment portée par ce devoir d’hommage, va réussir à se hisser en finale de la CAN 1994 perdue 2-1 contre le Nigeria.

Après un long retour à l’anonymat, arrive Hervé Renard. Le technicien français emmènera cette nation en quart de finale dans un premier temps en 2010 mais surtout à la plus grande surprise de toute l’histoire du football africain en 2012. Arrivée jusqu’en finale de la CAN, se déroulant à Libreville, la Zambie tremble encore. C’est la 69ème minute, Didier Drogba a la victoire au bout des pieds, mais il ratera son penalty. Les Zambiens feront eux preuve d’une résilience remarquable, et amèneront les Eléphants au bout du temps réglementaire puis de prolongations irrespirables. Au bout d’une séance de penalty portée par une immense tension, l’expérimenté Kolo Touré ratera le huitième tir au but. Rainford Kalaba pensera un instant rater la chance d’une vie quand il enverra son penalty dans les tribunes. Mais la Côte d’ivoire manquera le tir au but suivant par l’intermédiaire de Gervinho, et c’est le jeune Stoppila Sunzu libérera son pays d’une frappe pleine de sang-froid. La Zambie obtient le premier titre de son histoire, et à jamais le plus beau de tous.

Depuis, la Zambie n’a pas réussi à capitaliser sur cet exploit en ayant une participation à la CAN 2015 sans sortir des poules, puis des échecs dans les qualifications pour 2017, 2019 et 2021. Passant même derrière des adversaires semblant plus faibles, tels que la Namibie ou le Zimbabwe.

 

Que retenir des qualifications de la Zambie ?

La Zambie avait un groupe hétérogène avec la Côte d’Ivoire (pays hôte de cette CAN, qualifié d’office), les Comores (belle surprise de la dernière CAN) et le Lesotho. En concurrence avec les Cœlacanthes pour la deuxième place, les zambiens vont enfin performer et finir premiers de leur groupe. Non sans remous, car après une grosse défaite contre les Ivoiriens (3-1), le croate Aljosa Asanovic sera remercié pour laisser place au vieil Avram Grant. Ancien coach de Chelsea (finale de Ligue des Champions en 2008) et sélectionneur du Ghana, l’israélo-polonais a lancé un second souffle dans la sélection.

Les Chipolopolos vont alors enchaîner trois victoires, une contre Les Comores puis deux contre le Lesotho.Fidèles à eux-mêmes, ils joueront avec une volonté perpétuelle de se lancer vers l’avant sans trop réfléchir, avec des grandes courses du trio offensif. On retrouvera notamment des grosses performances de ceux-ci, à savoir Patson Daka, Fashion Sakala et Lameck Banda.

Le match suivant sera la réception de la Côte d’Ivoire à Lusaka, et les zambiens vont réussir une très grande performance, symbolisée par des attaques dans le dos de la défense des Eléphants. Il faut néanmoins relativiser cette performance avec le peu de réussite des attaquants adverses (notamment Max-Alain Gradel) qui n’ont pas pu profiter de la porosité de la défense. Une victoire 3-0 qui restera dans les têtes, et leur offre une première qualification à la Coupe d’Afrique depuis huit ans.

Les Chopolopolos pendant les qualifications. (Crédit photo : compte Twitter officiel de la CAN)

Le point tactique de la Zambie d’Avram Grant

Le style de l’équipe d’Avram Grant est caractérisé par un jeu assez direct, avec beaucoup de passes longues afin de lancer les ailiers. Connaissant bien les forces de son effectif, chaque récupération de balle est suivie d’une projection très importante des offensifs. Le manque principal se trouve cependant en défense, aucun joueur ne permettant un semblant de sérénité malgré une ligne arrière jouant ensemble depuis longtemps. L’expérience de Stoppila Sunzu semble insuffisante pour pallier ces manques.

Le XI probable.

Devant la défense, deux milieux (Emmanuel Banda et Kings Kangwa) seront au départ des grands lancements zambiens, ne faisant que progresser au fur et à mesure de leur association. Puis un trio d’attaque, composé des trois meilleurs joueurs zambiens, ayant pour but de mettre le feu dans les défenses avec leurs courses incontrôlables.

Les doutes se situent au niveau du gardien, ainsi que des numéros 6 et 10. Au poste de gardien, le jeune Francis Mwansa est mis souvent en concurrence avec Lawrence Mulenga, tous deux titulaires dans leurs clubs locaux. Le deuxième doute est sur le poste de 6, pouvant se muer en meneur de jeu selon l’adversaire. Il y a encore un an, le rôle était occupé par Enock Mwepu, inépuisable de Brighton qui a dû prendre sa retraite pour cause de problème cardiaque. A seulement vingt-quatre ans. Plusieurs candidats peuvent postuler, comme Lumbambo Musonda (Silkeborg), Kelvin Kampumbu (Zanaco) ou encore Benson Sakala, convaincant contre le Congo, en qualifications pour la Coupe du Monde 2026.

La liste de la Zambie pour la CAN 2023. (crédit photo : FAZambia sur Twitter)

Quand on observe la sélection dans son intégralité, on notera certains jeunes n’ayant pas réussi à saisir leurs chances pendant les fenêtres internationales précédentes. Parmi eux, Aimé Mabika (Toronto FC) en défense centrale ou encore John Chishimba (Zesco United) au poste de gardien, dépassé par Francis Mwansa. Aussi, le jeune frère d’Enock Mwepu, Francisco Mwepu, n’a eu que très peu sa chance dans les éliminatoires (sept minutes) et n’a pas été retenu. Trois se sont imposés en dernière minute, avec le jeune Gift Mphande, Zephaniah Phiri et Kennedy Musonda, l’attaquant de pointe des Young Africans.

Le trident Zambien en tête d’affiche

Les joueurs que vous devez absolument suivre pendant la CAN sont indissociables et c’est bien sûr le trio d’attaque. Fashion Sakala Jr, Patson Daka et Lameck Banda ont encore leur carrière devant eux et représentent les espoirs de l’équipe de Grant. Ils sont tous les trois très rapides, et si Daka va servir de point d’ancrage avec un physique plus important, les deux ailiers vont devoir multiplier les appels dans le dos de la défense, changements d’ailes et autres courses vers l’intérieur afin de déclencher un tir.

S’il faut choisir un seul joueur de ce trio, c’est peut-être Lameck Banda. Il ne sera pas le MVP de son équipe, mais cela peut ressembler à une CAN de la révélation pour le joueur de Lecce. Avec sa petite taille, Banda utilise sa vitesse et ses dribbles pour amener des déséquilibres. Il doit cependant montrer une progression au niveau de la finition avec son pied droit, qui pour l’instant est assez inconstant.

Fashion Sakala, Patson Daka et Lameck Banda, les atouts offensifs de la Zambie. (crédit photo : Facebook de Patson Daka)

La Zambie peut-elle surprendre ?

La Zambie est tombée dans le groupe F, qui se jouera à San Pedro dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Ce groupe contient un solide favori qu’est le Maroc, un outsider inconstant avec la RDC, ainsi que le petit poucet de cette CAN au classement FIFA : la Tanzanie. Le match contre les Léopards sera le plus décisif, les deux équipes étant attendues à batailler pour la deuxième place.

Le Maroc est un ultra favori pour cette CAN, et devrait pouvoir s’éloigner des 3 autres équipes. Derrière, c’est beaucoup plus ouvert, avec une RD Congo qui peut toujours compter sur des joueurs importants en Europe et une Tanzanie qui s’appuie notamment sur ses deux grands clubs nationaux (Simba SC et Young Africans), performants sur les compétitions continentales.

Avec les quatre meilleurs troisièmes qualifiés, l’élimination en poules sera vu comme un échec pour la Zambie.  Il y aura des nombreuses opportunités contre la Tanzanie et il faudra saisir les erreurs éventuelles d’une équipe congolaise en reconstruction. La Zambie peut et doit viser la deuxième place pour s’offrir un huitième de gala, potentiellement contre l’Egypte ou le Ghana. Si les Chipolopolos arrivent à se mettre en confiance, elle peut se permettre de rêver et dépasser leurs gros problèmes défensifs. Réponse à partir du 17 janvier, à 20 heures.

Victor Delefortrie

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