CAN 2024 – Algérie : un favori sans droit à l’erreur
29 mars 2022. L’Algérie est sonnée, Belmadi meurtri. L’objectif d’une vie, la Coupe du monde au Qatar, son troisième pays, celui qui lui a donné sa chance en tant qu’entraîneur et son désormais lieu d’habitation, s’est envolé à soixante secondes près. En l’espace de deux mois, d’une élimination en phase de poule de la CAN à une humiliation face à l’un des pires Cameroun de l’histoire, Djamel Belmadi a perdu toutes les certitudes qu’ils pensaient avoir bâties. S’en suivent des jours de désolation, des semaines de flou et des mois de reconstruction.
Resté en poste et même prolongé avec le plus gros salaire de l’histoire du football africain pour un sélectionneur, le natif de Champigny-sur-Marne démantèle une partie de son groupe champion d’Afrique 2019. Les nouveaux visages ? Rayan Aït-Nouri, Houssem Aouar, Farès Chaïbi, Badredine Bouanani ou encore Amine Gouiri. Un retour inattendu : celui de Nabil Bentaleb, après quatre ans de mise à l’écart. Enfin, les éclosions d’Anthony Mandréa et Mohamed Amine Amoura offrent davantage de possibilités au staff technique algérien.
Sportivement, le bilan de 2023 est globalement positif. Invaincu en dix rencontres avec une victoire de gala sur la pelouse du Sénégal invaincu pendant dix ans à domicile, et des matches nuls contre la Tunisie et l’Égypte, la dynamique semble rassurante au moment de s’envoler pour la Côte d’Ivoire. Mais souvenez-vous. Il y a deux ans, les Fennecs débarquent sur le sol camerounais forts d’une série d’invincibilité de 34 matches. Avant de buter sur la modeste Sierra Leone (0-0), d’être surpris par la frustrante Guinée Équatoriale (0-1), puis s’effondrer face aux Éléphants (1-3).
Sur le terrain, les coéquipiers de Riyad Mahrez ont montré certaines fragilités. Malgré des résultats positifs, les Algériens auront été bousculés à Annaba contre le voisin tunisien (1-1), dominés au Sénégal mais victorieux grâce à un but sur coup de pied arrêté (1-0), impuissants face à une Égypte en infériorité numérique pendant plus d’une heure de jeu (1-1). Il manque toujours cette maitrise technique sur leurs adversaires (de même calibre).
Des qualifications redonnant confiance
Meilleur bilan du continent lors des qualifications (16/18 points), l’Algérie a rapidement validé son billet pour la Côte d’Ivoire. Cinq victoires lors des cinq premières journées, ce seront des Verts largement remaniés qui manqueront le carton plein lors du dernier rendez-vous contre la Tanzanie (Belmadi pensant au déplacement amical au Sénégal cinq jours plus tard). Invaincue (comme le Sénégal… et le Ghana) grâce à une solide défense (seule la Tunisie a pris moins de buts), el Khadra s’est reconstruite en gagnant, notamment à l’extérieur.
2-0 dans la fournaise de Dar-es-Salaam, 1-0 contre le Niger à Radès avant un dernier succès avec les remplaçants, contre l’Ouganda à Douala (sur une bien meilleure pelouse qu’à la CAN). Premier qualifié d’une poule à quatre sélections, l’Algérie, sans rayonner, n’a jamais tremblé.
Le XI probable
Une défense faite de neuf et de vieux
Révélation du choc à Diamniadio, Anthony Mandréa a justifié le choix de Djamel Belmadi de le choisir en n°1 devant Mustapha Zeghba. Le gardien du Stade Malherbe a multiplié les exploits face au champion d’Afrique. Une performance remarquée sans laquelle les Verts n’auraient pu rapporter du Sénégal un succès de prestige en septembre dernier. Mandréa a confirmé lors de l’étouffant déplacement à Maputo, protagoniste majeur du succès en terre mozambicaine.
Malgré les doutes entourant l’aspect défensif, les quatre éléments sont connus. Incertitude sportive d’un point de vue extérieur mais certitude hiérarchique pour Djamel Belmadi. Suspendu en France, Youcef Atal n’a plus joué avec Nice depuis le 1er octobre. Mais bénéficiant de la confiance totale de son sélectionneur (utilisé lors des deux précédentes trêves internationales) et présent dès le mois de décembre à Sidi Moussa pour parfaire son état physique, le Niçois sera le latéral droit titulaire.
Aucun doute sur l’identité de son homologue sur le côté gauche. Rayan Aït Nouri s’illustre positivement depuis son arrivée en sélection en mars dernier. Au point d’en déloger Ramy Bensebaini, le propriétaire du poste depuis l’arrivée de Belmadi.
Le joueur du Borussia Dortmund garde néanmoins une place dans le onze puisqu’il retrouve son poste de formation, en défense centrale. Problème, l’ancien joueur du Paradou n’évolue plus dans l’axe en club depuis trois ans. Autre interrogation, son association avec Aïssa Mandi. Les deux éléments ont déjà évolué, ensemble, en charnière centrale, notamment lors de la CAN ratée en 2017. Individuellement, le n°2 peine à convaincre depuis la mise à l’écart de Djamel Benlamri, et ce, qu’importe l’identité de son partenaire (Tougaï, Bensebaini, Bedrane, Touba). Pourtant, les quatre défenseurs titulaires précédemment cités ont le profil parfait pour évoluer dans une défense à 5… Mais nous y reviendrons.
Un milieu reconstruit de certitudes
Dans l’entrejeu, Nabil Bentaleb a réalisé un retour fracassant dans un rôle-clé. Le régulateur. Sentinelle à l’importance prépondérante lors du sacre continental en 2019, Adlène Guedioura a peut-être enfin trouvé son successeur. Ramiz Zerrouki, longtemps installé, a perdu son crédit depuis l’avènement du patron lillois. Récompensé avec le titre de meilleur joueur de la CAN 2019, Ismaël Bennacer est indéniablement le joueur le plus important de la sélection. Blessé en demi-finale de Ligue des Champions, son retour à la compétition début décembre offre une certitude inespérée pour Belmadi.
Le dernier poste se joue entre trois profils. L’expérience de Sofiance Feghouli (titulaire au Sénégal, contre l’Égypte puis au Mozambique), le volume de jeu d’Hicham Boudaoui (qui tient enfin son match référence depuis la victoire à Maputo) ou la créativité, combinée à la facilité de répéter les efforts de Farès Chaïbi (buteur au Sénégal et au Mozambique). Ce dernier semble partir avec une longueur d’avance aux yeux de Djamel Belmadi.
Une dernière danse pour les ailiers ?
Indiscutable grâce à son statut et capitaine de la sélection, Riyad Mahrez est évidemment indiscutable sur le côté droit. L’interrogation subsiste sur sa capacité à accumuler les rencontres dans des conditions climatiques compliquées. Lui qui évolue désormais en Arabie Saoudite fêtera ses 33 ans à la fin de la CAN. Ce rendez-vous en Côte d’Ivoire pourrait être le dernier chapitre de sa carrière internationale si ses performances au Moyen-Orient n’offrent plus de garanties sportives suffisantes. Pour deux raisons majeures. La première étant le renouvellement générationnel. Badredine Bouanani commence à sortir la tête des eaux de l’OGC Nice, Bachir Belloumi devient un titulaire régulier à Farense (Liga Portugal), sans oublier Adam Ounas. La deuxième étant un certain blocage tactique. Djamel Belmadi souhaite faire évoluer son dispositif, et l’obligation de le positionner sur le côté droit semble empêcher un passage à cinq défenseurs.
Sur le côté gauche, l’absence non prévue de Gouiri ouvre la voie à l’avènement de l’une des révélations européennes de ce début de saison. Mohamed Amine Amoura, attaquant de l’Union Saint-Gilloise, était déjà présent au Cameroun sans avoir la possibilité de disputer la moindre minute. Problème, sa suspension le privera de l’entrée en lice des Fennecs contre l’Angola. Conséquence, un revenant a l’opportunité de verrouiller sa place dans le onze de départ : Youcef Belaïli, inarrêtable depuis son retour sur le sol algérien. Meilleur buteur du championnat avec le MC Alger, le n°8 est l’un des Algériens de l’effectif les plus expérimentés du football africain. Comment oublier ses passages exceptionnels à l’Espérance ? Après avoir porté la sélection pendant des années, son retour en sélection après neuf mois d’absence est attendu par tout un peuple. Enfin, la polyvalence de Farès Chaïbi et la fougue d’Adam Ounas pourraient être des alternatives de repli pour le sélectionneur sur ce côté gauche.
Un fauteuil pour deux
Deux attaquants d’expérience se disputent la dernière place. Baghdad Bounedjah, titulaire lors de la CAN 2019… puis écarté après l’élimination à la CAN 2021. L’attaquant d’Al-Sadd retrouve petit à petit sa confiance au sein de la sélection. Deux buts lors des deux dernières sélections, le faisant redevenir une arme importante pour Belmadi.
Son concurrent ? La légende Islam Slimani. Meilleur buteur de l’histoire de la sélection algérienne, le joueur de Coritiba soufflera ses 36 bougies en juin prochain. Mais sa connaissance du contexte africain et sa compétitivité sur le continent sont inégalables. Redevenu n°1 depuis les barrages du Mondial 2022, l’ancien Monégasque a inscrit quatre buts lors de ses six dernières sélections. Deuxième meilleur buteur de Jupiler Pro League, Amoura reste une possibilité pour Belmadi, dans un profil complètement différent… mais aussi totalement complémentaire de Slimani et Bounedjah.
La gloire ou la mort
Éliminé au premier tour en 2022, l’Algérie doit se racheter. Obligation non négociable : passer le premier tour. La première place semble également indispensable pour se faciliter les conditions en phase à élimination directe. Si les Fennecs remportent leur groupe, ils resteront à Bouaké pour le huitième de finale et affronteront un troisième de groupe. La perspective d’un quart de finale serait plus claire et rendrait plus accessible un objectif minimum. La deuxième place offrirait déjà un choc aux coéquipiers de Bensebaini face au premier du groupe E (Tunisie, Mali, Afrique du Sud ou Namibie). Mais pour répondre aux attentes (plus élevées qu’un quart de finale), tout commence par cette première journée face à l’Angola.
(Article signé par Hamza Rahmani, commentateur couvrant la Coupe d’Afrique 2023 sur Bein Sports)