Pays à l’histoire complexe qui fait encore écho dans aujourd’hui, l’Afrique du Sud doit redevenir un grand de son continent footballistiquement. Absents en 2022, la CAN 2024 peut être le moment opportun, avec un statut d’équipe à éviter en cas de confrontation à élimination directe.
1956, quatre pays se concertent afin de fonder la confédération Africaine de football (CAF), lançant le « Beautiful Game » dans un continent en pleine décolonisation. Parmi ces pays, nous retrouvons l’Égypte, l’Éthiopie, le Soudan et l’Afrique du Sud. Avec cet accord, la première Coupe d’Afrique est créée en 1957, mais l’Afrique du Sud ne s’y rendra pas. Pour une raison « simple ». Ses dirigeants refusent d’envoyer une sélection mixte, ne laissant pas des personnes de couleur représenter le pays.
A partir de là, l’Afrique du Sud sera mise sur le carreau. La CAF exclura les Sud-Africains de la fédération dès l’année suivante. La FIFA mettra un peu plus de temps en laissant du temps pour se « mettre en règle », mais sans succès. Suspendue, la sélection ne va plus jouer de match avant mars 1976. Pour la première fois, une sélection composée de joueurs et blancs et non-blancs rencontrera l’Argentine. Dans ce match, un joueur noir brillera : Jomo Sono. Le natif de Soweto plantera un quadruplé dans une victoire 5-0 ! Le tout contre une Albiceleste championne du monde deux ans plus tard.
Malgré cette avancée, Soweto sera aussi théâtre quelques mois plus tard de drames. Au matin du 16 juin 1976, la police de l’apartheid ouvrira le feu sur des manifestants, luttant contre l’introduction de l’afrikaans comme langue d’enseignement. 176 morts et 700 manifestants seront à dénombrer, dont une immense majorité d’étudiants noirs. La suspension de l’équipe nationale reprend de plus belle, et les Sud-africains ne rejoueront plus un match avant 1992.
Nelson Mandela libéré, le pays peut profiter du sport le plus suivi au monde. Le championnat local est devenu un championnat mixte au niveau ethnique et la sélection se voit libéré de toute suspension. L’équipe débutera au niveau international, devenant les « Bafana Bafana » (les garçons en xhosa, une des douze langues officielles du pays) et accueillera comme un symbole la CAN 1996, sous la présidence de Madiba. Cette compétition sera exceptionnelle pour les organisateurs.
Déjà, une très bonne phase de poules en écartant l’Angola puis le Cameroun. La nation arc-en-ciel ira jusqu’en finale, contre des Tunisiens toujours très accrocheurs. Mais un duo surplombant la compétition sortira du lot : avec Mark Fish et Mark Williams. Le taulier défensif blanc et le buteur noir décrocheront le seul trophée du pays.
Pour continuer sur leur âge d’or, les Bafana Bafana iront à la CAN suivante emmenés par un Jomo Sono devenu sélectionneur. Ils en seront tout proches en atteignant la finale contre l’Egypte d’Hossam Hassan, co-meilleur buteur avec un tout jeune buteur sud-africain. Un petit potentiel, du nom de Benedict McCarthy. Qualifié pour la Coupe du monde, l’Afrique du Sud ne résistera pas à France 98 et deux nuls contre Danemark et Arabie Saoudite. La sélection continuera les bons résultats avec une CAN 2000 terminée à la 3ème place. Le tout porté par un très inspiré Benni McCarthy, futur meilleur buteur de l’histoire des Bafana Bafana.
Depuis, la sélection nationale n’a que peu brillé. On retiendra cette Coupe du Monde à domicile, un niveau de jeu honnête et une victoire contre la France de Knysna. Sans oublier un quart de finale de CAN 2019, en éliminant notamment les Égyptiens. En dehors de cela, l’Afrique du Sud est redevenue une nation secondaire dans le football de sélections. Un problème majeur pour un pays vibrant au rythme du ballon rond. Dénotant aussi avec la forme de ses clubs, tels que les Kaizer Chiefs, Orlando Pirates ou plus récemment, les Mamelodi Sundowns.
Emmenée aujourd’hui par le belge Hugo Broos, l’Afrique du Sud se retrouve dans une poule à trois, avec le Maroc et le Libéria. Le Zimbabwe sera disqualifié pour ingérences politiques. Le groupe semble déséquilibré, le Libéria étant bien moins armé. Les Bafana Bafana commencent par le futur quatrième de Coupe du Monde, et surprennent d’entrée. Dès les premières minutes Lyle Foster ouvre le score. S’ensuit une tactique très semble menée par Hugo Broos : le bus. Très regroupés et combatifs sur chaque duel, les sud-africains montrent qu’ils sont difficiles à battre. Cela sera malgré tout insuffisant, rattrapés en seconde période par En-Nesyri et El Kaabi (1-2).
Tout se joue à la double confrontation contre le Libéria. Après un décevant 2-2 à Johannesburg, les Bafana Bafana doivent gagner à Monrovia. Malgré des transitions bien exécutées par les compatriotes du président Weah, le travail sera fait grâce à un but de Mihlali Mayambela (2-1). Le second rendez-vous contre le Maroc sera amical, mais les sud-africains se lancent dans un défi. Faire tomber les Lions de l’Atlas. Profitant d’une erreur de Monir El Kajoui et d’une contre-attaque bien menée, les hommes d’Hugo Broos font un break qui ne sera jamais rattrapé. Malgré cette victoire, l’Afrique du Sud termine deuxième du groupe, et se qualifie pour la CAN 2024. Une première depuis 2019.
Vainqueur de la CAN 2017 avec le Cameroun, Hugo Broos s’appuie sur une grande majorité de joueurs de la DStv Premiership, le championnat local. Mieux, seuls trois joueurs se trouvent en dehors des frontières. Au-delà d’un championnat, le belge n’hésite pas à aligner de nombreux joueurs d’une équipe : les Mamelodi Sundowns. Six fois champion d’Afrique du Sud en six ans, les Sundowns sont indiscutablement parmi les meilleures équipes d’Afrique. Pas moins d’une dizaine d’entre eux ont été appelés pour cette CAN 2024.
Plus fort contre les équipes réputées que contre des équipes regroupées, l’Afrique du Sud peut user d’un jeu soyeux pour sortir en contre-attaque. Des contres menés par Percy Tau ou l’inépuisable légende des Sundowns, Themba Zwane.
Une assise défensive est présente, et si les défenseurs sont premiers concernés, Broos utilise deux milieux faisant le lien vers les attaquants en contre-attaque. Deux milieux aussi capables de conserver le ballon. Un double pivot Sphephelo Sithole, rare joueur non en Afrique mais à Tondela (D2 Portugal) ; et Teboho Mokoena, véritable pierre centrale du jeu des Sundowns depuis deux ans. Là où ils doivent progresser, c’est dans le dernier tiers avec trop peu d’occasions franches malgré des bonnes séquences de possession.
Sur ce XI, deux incertitudes majeures. Une en défense centrale, une sur les ailes. La première est la place de Nkosinathi Sibisi (Orlando Pirates) en défense centrale, causée par une blessure à l’aine du titulaire Mothobi Mvala. Le roc des Sundowns est quand même du voyage mais son retour est encore indécis. La deuxième est due à la non-sélection de Bongokuhle Hlongwane, titulaire au Minnesota United. Jusqu’ici très utilisé, ses performances récentes n’ont pas convaincu.
Pour le remplacer, plusieurs joueurs toquent à la porte comme Mihlali Mayambela, décisif en sélection ou à l’Aris Limassol. Mais aussi Thapelo Maseko, qui s’est étonnamment retrouvé à ce poste lors du dernier match de préparation contre le Lesotho, lui qui est habituellement latéral aux Sundowns.
Concernant la liste, la question de l’attaquant de pointe est un grand débat dans la presse ou chez les supporters. Le premier choix fort est l’absence de Lyle Foster. Actuellement dans le Burnley de Vincent Kompany, l’ancien monégasque s’est mis en retrait pour des problèmes de santé mentale. Revenu à la compétition mi-décembre, le sélectionneur ne l’a pas retenu, le jugeant trop juste physiquement.
Le deuxième absent n’est pas un choix, puisque le strasbourgeois Lebo Mothiba s’est blessé le 17 décembre à Lorient. Reste alors le titulaire actuel Evidence Makgopa. Le buteur des Orlando Pirates n’ayant que peu convaincu les supporters que ce soit avec la sélection ou avec son club des Orlando Pirates (cinq buts), il aura de lourdes responsabilités lors de cette CAN.
Avec un objectif de redonner un nouvel élan aux Bafana Bafana lors de cette CAN 2024, la sélection va devoir compter sur deux joueurs totémiques. Ces deux joueurs ont deux points communs majeur : en premier, une technique balle au-dessus de la moyenne. Ensuite, les deux portent le maillot d’un mastodonte du continent. Al-Ahly pour Percy Tau, et bien sûr, les Mamelodi Sundowns pour Themba Zwane.
Les deux compères se partagent ce rôle de meneur de jeu avec leurs propres spécificités. Percy Tau sera sur le côté, de préférence à droite pour lui permettre de provoquer avec son pied droit, pour une frappe ou une ouverture bien sentie. Themba Zwane, lui, jouera en meneur de jeu classique. Un numéro 10 à l’ancienne avec quelques grosses différences techniques, et un jeu de passes permettant d’aiguiller toute une équipe.
Si vous souhaitez découvrir un joueur moins connu, il faut jeter votre dévolu sur Teboho Mokoena. Milieu défensif dans un milieu à deux ou pointe basse dans un milieu à trois, le rempart des Sundowns va certainement voir passer un nombre de ballons important dans ses pieds. Solide en défense, il devra cependant avoir une influence offensivement, en cherchant dans le dos de la défense plutôt que son meneur. Ne muscle plus ton jeu, varie ton jeu.
Les Bafana Bafana sont tombés dans un groupe E assez ouvert. A l’intérieur, la Tunisie, le Mali et a Namibie d’un Peter Shalulile faisant le bonheur des Sundowns. Si la Namibie semble moins forte, l’Afrique du Sud peut se projeter sans s’enflammer. Le groupe reste si ouvert avec aucun favori à la victoire finale, qu’aucun résultat ni performance ne peuvent être pris à la légère.
La suspicion d’une épopée dans cette CAN 2024 reste néanmoins possible, tant l’Afrique du Sud a déjà montré sa solidité défensive et ses capacités d’équipe piégeuse. Si le Maroc est passé près de la correctionnelle, beaucoup peuvent s’y casser les dents. Rendez-vous le 16 janvier à 21 heures, contre les Aigles du Mali.
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