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Albanie : ne pas se faire couper les ailes (Preview Euro)

Joyau méditerranéen de par sa culture en expansion et son histoire ancestrale, l’Albanie va pouvoir participer à nouveau à une compétition internationale. Après des années pour le moins difficiles en sélection, un brésilien bien connu dans le Rhône est venu mettre de l’ordre. Retour sur une nation pleine de compétitivité, qui risque bien de capitaliser sur la moindre opportunité

L’Albanie. Petit pays des Balkans, dans le sud de l’Europe. Cette nation, peuplée de trois millions d’habitants, à sa langue unique, fait entendre parler d’elle. Aidée par une forte communauté expatriée en Europe Occidentale, le pays des aigles sera au cœur de la scène, cet été. Après une première participation plus qu’honnête en 2016, la sélection rouge et noire avait à cœur de retrouver le Championnat d’Europe des Nations.

Dans un groupe constitué de la Pologne, la République Tchèque, la Moldavie et les Iles Féroés, une deuxième place semblait envisageable. Mais après quelques contre-performances des favoris du groupe (défaite polonaise en Moldavie, nul des tchèques face aux mêmes adversaires) et de solides résultats en faveur des Albanais (nul 1-1 contre les tchèques à Prague, victoires 2-0 contre la Pologne puis 3-0 contre la République Tchèque à Tirana), il est devenu possible de viser plus grand. Plus qu’une qualification qui semblait acquise à plusieurs journées de la fin, une première place du groupe constituait un objectif réaliste. Quatre buts encaissés, une seule défaite, la qualification de l’Albanie pour l’Euro s’est faite sans débat.

Une telle performance a été rendue possible avec l’arrivée d’un homme. Sylvio Mendes Camp Junior, alias Sylvinho, anciennement passé par l’OL et Corinthians. Son arrivée a semé quelques doutes dans les têtes des suiveurs du football Albanais, et il y avait de quoi. Ses deux dernières expériences n’avaient pas été des plus marquantes et de l’autre côté. En effet, l’Albanie sortait de plusieurs années de 3-5-2 soporifique, avec Christian Panucci, puis Edoardo Reja. Les Kuq & Zi cherchaient donc à provoquer un électrochoc, à trouver un réel renouveau pour déployer leurs ailes.

Une tactique assez simple, au pays des artilleurs

Un génie en réflexion. (Crédit photo : @CosmoFRR)

En fin de compte, voilà que Sylvinho a apporté les ingrédients nécessaires. Retour à une défense à quatre. Trois, voire quatre éléments offensifs (selon si l’animation est un 4-2-3-1, schéma préférentiel du sélectionneur, ou un 4-3-3 avec une pointe basse), jeu beaucoup plus porté vers l’avant. L’Albanie s’appuie sur deux éléments afin de déployer son jeu. Le premier est constitué de phases de transition, jouant sur la profondeur et les contres incisifs, avec plusieurs actions où en deux-trois passes, les Kuq & Zi sont parvenus à casser les lignes adverses et à se procurer des occasions de but, voire à les concrétiser. Ce fut le cas avec les deux réalisations de Taulant Seferi, face à la République Tchèque (pour les buts du 2 et 3-0). Le deuxième élément, peut-être le plus dangereux de tous, les frappes de loin. Jasir Asani face à la Moldavie, Nedim Bajrami face à la République Tchèque, Kristjan Asllani face aux Iles Féroé, Jasir Asani face à la Pologne et la République Tchèque. Plus de la moitié des buts inscrits par l’Albanie lors des éliminatoires pour l’Euro 2024 proviennent de l’extérieur de la surface. Tantôt en direction de la lucarne opposée, tantôt à ras de terre, l’Albanie sera parvenue à exploiter cette qualité et à en faire un atout majeur.

Mais si les frappes de loin constituent une des grandes forces des hommes de Sylvinho, cela ne masque pas pour autant deux défauts qui doivent être gommés à l’avenir. Le premier, la maîtrise du ballon dans la surface de réparation. Beaucoup trop d’occasions ont été vendangées devant le but adverse, et cela a été dû à un système, une formation ou Sokol Cikalleshi évoluait seul en pointe. Le natif de Kavajë, qui a d’ailleurs annoncé sa retraite internationale après sa non-sélection pour l’Euro 2024, n’a inscrit qu’un seul but en 2023, sur pénalty. Cependant, il a beaucoup pesé sur la défense pour permettre aux autres joueurs de se libérer techniquement, d’oser quelque chose. Sa titularisation servait également àpallier l’absence d’Armando Broja, victime d’une rupture des ligaments croisés avec Chelsea. Le retour de l’avant-centredevrait permettre une meilleure assise technique dans la surface adverse déjà constatée lors du match amical face à la Suède, en mars dernier. Plus de percées, de dribbles vers et dans la surface, comme la future star albanaise a su nous habituer. Au point de gommer cette lacune technique, qui avait tant fait pêcher les rouges et noirs ?

Une dynamique déjà enfuie ?

Un autre problème, heureusement sans conséquences pour l’instant, s’est trouvé au niveau mental. Une fois la qualification quasi-acquise, l’Albanie n’avait besoin que d’un seul point pour définitivement valider son ticket pour l’Allemagne. Les deux adversaires restants ? La Moldavie et les Iles Féroé, a priori deux adversaires abordables. Pourtant, les joueurs de Sylvinho feront respectivement 1-1 et 0-0 face à ces deux équipes. Partis du principe que le plus dur était fait, les joueurs ont levé le pied et cela s’est senti sur la rigueur défensive, sur l’intensité des duels, la précision des frappes. Tout avait baissé en qualité, les joueurs ne souhaitant clairement pas prendre de risque inutile.

Cette impression s’est également confirmée, lors des deux amicaux de mars contre le Chili et la Suède. Deux temps de retard sur les ballons, une intensité physique bien inférieure à ce que l’on a connu, un impact sur les fraises bien en-deçà de ce que proposait l’adversaire, des sautes de concentration qui rappellent les heures sombres du 3-5-2, subi durant plusieurs années. Alors certes, il s’agit d’amicaux sans enjeu, mais voir les joueurs prendre par-dessus la jambe ce genre de rencontres n’augurait rien de bon, avec presque une tendance à choisir les matchs. L’Ecosse, autrice d’une entrée en lice catastrophique dans l’Euro, connut la même baisse de rythme. Peut-être, qu’à l’inverse, ils sauront se sublimer dans le groupe de la mort, face aux croates, italiens et espagnols.

Cadres sous les projecteurs

Pour cela, deux joueurs, un en défense et un dans l’entrejeu, pourront jouer un rôle clé. Le premier évidemment, le capitaine, Berat Gjimshiti, véritable patron de la défense central. Sélectionné dans le groupe élargi en 2016, mais écarté de la liste définitive des 23 joueurs (à l’instar de joueurs tels que Milot Rashica et Amir Rrahmani, qui auront opté pour le Kosovo par la suite). Le défenseur central de l’Atalanta est resté en Albanie avec une revanche à prendre. Après plusieurs blessures au cours des dernières saisons, il est parvenu à faire une saison pleine, enchaînant les performances de grande qualité en Europa League. Conclue avec une victoire 3-0 contre le Bayer Leverkusen en finale, avec le brassard du club de Bergamo. Solidité sur les duels, calme, il ne fait pas partie de ces personnalités extraverties comme l’a pu l’être Lorik Cana, ancien capitaine de la sélection et évoluant au même poste que lui. Il dégage une certaine sérénité, qui doit inspirer ses coéquipiers.

La même coiffure que les méchants dans Peaky Blinders. (Crédit photo : Federata Shqiptare e Futbollit)

Kristjan Asllani est parvenu à s’imposer dans l’entrejeu, malgré son jeune âge. N’ayant pas attendu qu’on lui donne quoi que ce soit, il est allé chercher directement les choses par lui-même. Le premier exemple auquel on peut penser est son premier but avec l’Albanie, contre l’Arménie (amical du 19 novembre 2022, victoire 2-0). Un pénalty pour lequel on attendait un tireur tel que l’ancien messin Xhuliano Skuka, ou Ernest Muçi, qui évoluaient tous les deux en attaque ce jour-là. Plein de personnalité, c’est bien le jeune interiste qui ira quérir le ballon, sans demander l’avis à personne. Un geste qui a pu être perçu comme une certaine forme d’arrogance. Mais qui montre surtout envie de s’imposer, de laisser son empreinte. Si l’Albanie souhaite franchir un cap, il lui faudra s’appuyer sur des joueurs de caractère comme lui.

Des absences de poids en attaque

(Crédit photo : Federata Shqiptare e Futbollit)

Quelques mots sur la liste : la liste définitive des 26 joueurs a été publiée le vendredi 7 juin. Un seul changement, par rapport à la liste élargie annoncée plus tôt. Le mot d’ordre : place à la jeunesse. Le quatrième gardien, Simon Simoni (Eintracht Frankfurt) n’est pas inclus. Le jeune portier fera tout de même le voyage avec ses coéquipiers, sans pour autant pouvoir prétendre à une apparition durant l’Euro. En défense, beaucoup de certitudes, hormis une surprise, en la personne de Naser Aliji (Voluntari, Roumanie), qui n’avait plus joué avec la sélection depuis 2019. Au milieu, une autre surprise : Keidi Bare (RCD Espanyol), solidement ancré dans le groupe rouge et noir, n’est pas retenu. Pas de blessure à signaler, pourtant. Le joueur de l’Espanyol est écarté au profit de Medon Berisha. Le milieu de Lecce, âgé de 20 ans, est convoqué pour la toute première fois avec l’Albanie. Ce choix peut paraître étonnant, à plus d’un titre, mais il n’est pas le seul.

Un seul ailier droit, en la personne de Jasir Asani (Gwangju, Corée du Sud). Ni Arbnor Muja (Samsunspor), ni Arbnor Muçolli (IFK Göteborg), ne sont là pour le suppléer. À gauche, ce sera Arbër Hoxha (Dinamo Zagreb) et Taulant Seferi (Baniyas, Emirats Arabes Unis) qui sont choisis. Pas de Myrto Uzuni, pourtant auteur de 11 buts en Liga avec Granada, cette saison. Une blessure au talon d’Achille est évoquée, pour justifier ce choix tout autant surprenant. Mais la plus grosse surprise sera la non-sélection de Sokol Cikalleshi (Konyaspor), pourtant installé en sélection depuis une décennie. Bien qu’il ait délivré des prestations en demi-teinte, il a disputé l’Euro 2016, et a participé à l’intégralité de la campagne de qualification, en plus des amicaux de mars. Son expérience n’aurait clairement pas été de trop. Quitte à envisager un avenir de la sélection sans lui, peut-être que cette décision aurait pu (dû ?) être prise bien avant cela.

Albanie, le nouveau David et Goliath

​Le groupe de la mort. Voilà ce qui attend l’Albanie en Allemagne. Des vainqueurs de Coupe du Monde, d’Euro, des finalistes, c’est ce qui constitue l’histoire de ces trois nations en face. De son côté ? L’Albanie n’a participé à l’Euro qu’à une seule reprise, pour une troisième place en phase de poule, insuffisante pour continuer l’aventure. Sur le papier, le rapport de force s’annonce alors complètement déséquilibré, d’autant plus que beaucoup de joueurs albanais se retrouvent en manque de rythme. Parmi eux, Etrit Berisha (Empoli) et Thomas Strakosha (Brentford), les deux gardiens n’ayant quasiment pas joué. Jasir Asani étant aussi mis au placard en Corée du Sud par son coach ; Kristjan Asllani cire encore (à notre grand désespoir) le banc de l’Inter et Armando Broja peine à retrouver du temps de jeu en Premier League. Mais étrangement, les adversaires ne semblent pas complètement sereins. Effectif vieillissant, nouvelle génération pas au niveau espéré, manque de profondeur sur certains postes… Alors oui, sur le papier, l’Albanie reste toujours loin derrière ses trois futurs adversaires. Mais avec cette envie de se sublimer lors des grosses rencontres, il n’est pas impossible qu’un exploit se réalise. Et de toute façon, si l’on n’espère pas une qualification en huitièmes de finale, si l’on ne souhaite pas chercher un bon résultat, autant rester à la maison. L’intégralité des équipes ayant réalisé un bon parcours, voire remporté un trophée, ontd’abord eu cette volonté de réaliser cet objectif. Alors un seul credo : tout donner.

Il ne reste à présent plus qu’à attendre l’entrée en lice de l’Albanie, le 15 juin prochain, face à l’Italie, à Dortmund. Un premier choc face à une équipe bien connue des Kuq & Zi, puisque plusieurs joueurs Albanais évoluent dans le championnat Italien, parfois dans le même club que certains de leurs adversaires. Les Kuq & Zi affronteront par la suite la Croatie (19 juin, à Hambourg) et l’Espagne (24 juin, à Düsseldorf).

Aldo Draçi

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