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Lundi 16 septembre 2024 : date à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du futsal français. Pour la première fois, les Bleus fouleront pour la première fois les parquets d’une Coupe du Monde. De quoi définitivement allumer le brasier du futsal international tricolore, six ans après en avoir attisé les premières braises, en se qualifiant pour l’Euro 2018. A partir du 14 septembre, le champ des possibles va s’ouvrir comme jamais dans le monde du futsal.
Une grande première
Brésil, Brésil, Brésil, Espagne, Espagne, Brésil, Brésil. Avant 2016, le palmarès de la Coupe du Monde de Futsal se résumait à cette bipolarité. L’un battait l’autre en finale, et si l’opposition avait lieu plus tôt dans le tournoi, il n’y avait plus de suspens quant à l’issue de celui-ci. Deux forces qui écrasaient tout, y compris sur le plan continental où peu de titres ont échappé aux deux géants. L’Italie et la Russie faisaient office de principaux outsiders n’ayant jamais su confirmer (deux Euros pour l’Italie, un pour la Russie, et une multitude de finales internationales perdues face à l’Espagne ou au Brésil), en bref, l’ordre des choses était très simple et très clairement défini.
Mais depuis 2016, les rapports de force ont évolué, au gré des efforts investis par les différents outsiders d’un jour, quand ceux qui avaient un temps d’avance dans le développement du futsal l’ont souvent gâché. L’Argentine devient championne en 2016 devant la Russie, puis le Portugal en 2021 devant la même Argentine, puis des renversements à beaucoup de niveaux s’opèrent. Politiques de développement au point mort en Italie, exclusion de la Russie des compétitions, une phase de siesta sur ses lauriers pour l’Espagne et une transition difficile à digérer au Brésil. Sans compter l’épisode COVID. Entre la fin des années 2010 et le début de cette décennie 2020, nous pouvons dire que les cartes ont été rebattues.
Ce Mondial 2024 aura donc une signification particulière, avec des conclusions à tirer. 2016 avait marqué le premier « traumatisme » pour le Brésil, éliminé dès les huitièmes de finale par l’Iran dans un match légendaire (4-4, 3-2 t.a.b) ; et pour l’Espagne, pulvérisée en quarts par la Russie (6-2). 2021, elle, aura été une sorte de confirmation des changements de rapports de force, mais surtout l’émergence d’un nouveau binôme dominant, celui de l’Argentine et du Portugal. Clairement les deux plus forts à ce moment-là, champions sur leurs continents et finalistes l’un face à l’autre.
En 2024, nous aurons probablement droit à un chapitre sans précédent, un tournoi ouvert comme jamais auparavant. Bien malin celui qui saurait prédire le vainqueur, et encore plus celui qui saurait dire quel mauvais tour vont aller jouer les Bleus pour leur grande première. Tour d’horizon des potentielles victimes, ou futurs grands champions.
Portugal, Espagne, Argentine, Brésil. la croisée des chemins de croix
Commençons par le logique principal favori, le Portugal. Champion du Monde et double champion d’Europe en titre, le pays à qui tout réussit sur les parquets depuis 2018. Malgré quelques petites frayeurs dans le contexte si particulier des matchs de préparation (deux nuls et une défaite en août et septembre), il y a globalement bien longtemps que le Portugal n’a pas tremblé. Une maîtrise technique et tactique toujours impressionnante, et par dessus tout la sensation que rien ne peut leur arriver.
Une marque de fabrique depuis l’Euro 2022, où orpheline de Ricardinho, plus grand joueur de son histoire et de l’Histoire tout court, la Seleção a franchi les étapes les unes après les autres, sans jamais paniquer. Quel que soit le scénario ou l’adversaire. Menée de deux buts en poules par la Serbie, de deux buts en demi-finale par l’Espagne, et encore de deux buts par la Russie en finale… et toujours le même résultat. Si l’on devait relever un point noir cette fois : sans doute la fin imminente de la génération Ricardinho. Avec elle, le probable dernier tournoi de Bruno Coelho (37 ans) qui a acté son départ de Benfica pour la Lettonie, de Pany Varela (35 ans) ballon d’or 2023 en partance lui du Sporting pour l’Arabie Saoudite, ou encore de João Matos (37 ans, Sporting), capitaine de tous les succès. Les deux premiers cités auront une importance particulière, principaux vecteurs de percussion et de vitesse de l’équipe par le passé, qui malgré l’arrivée de nouveaux talents comme le golden boy benfiquiste Lucio Jr, restent difficilement remplaçables, surtout avec la blessure de la fusée Pauleta pendant la préparation. Enfin de quoi les faire douter ?
De retour, pour vous jouer un mauvais tour, et cætera.
Et les autres « gros » alors ? L’Espagne, le Brésil, l’Argentine, l’Italie… ? Pour nos deux ex-multi-champions, l’heure est annoncée comme étant celle de la revanche. La quête de la 3e étoile de la Roja, celle de la 6e du Brésil. « A por la tercera » (ou la sexta) sur les réseaux, mais dans les faits, ce n’est pas aussi simple.
Même si l’Espagne a retrouvé quelques couleurs depuis deux ans, dans le sillage de ses qualifications, le doute reste de mise. Si les espagnols ont toujours peu d’équivalents dans leur interprétation du futsal, difficile d’établir quelle ligne suit cette sélection. D’abord parce que le sélectionneur en place, Fede Vidal, est celui qui a déjà mené à deux échecs lors des deux derniers tournois. Ensuite parce que l’on peine à déterminer les grands noms de cette sélection. Attention, les joueurs de haut niveau, reconnus en Liga espagnole pour leur qualité ne manquent pas. Mais aucun auquel on pourrait penser comme d’une véritable référence mondiale de son poste ou historiquement reconnu.
Plus inquiétant, on retourne chercher des joueurs intéressants du championnat certes, mais pas forcément plus jeunes ou amenant des profils vraiment particuliers. Après deux échecs, cette sélection avait besoin d’un énorme renouvellement, et on ne sait pas vraiment si on peut le considérer comme acté. Son expérience sera un atout pendant un temps, il sera très dur de sortir cette Roja, mais attention à ce que l’histoire ne se répète pas encore une fois le premier choc venu. Un choc qui pourrait arriver pourquoi pas face au Brésil, qui lui a fait une partie de son chemin de croix. Constat d’échec, renouvellement d’une partie de l’effectif en allant chercher parfois plus local au besoin, bien que disposant d’une constellation de stars en Europe, et une Copa America à la clé en début d’année contre l’Argentine. Pas la plus grande Seleção de l’histoire mais celle qui s’est redonné les moyens de faire un tournoi sérieux, et d’envisager de gagner à nouveau sous l’impulsion du ballon d’or 2024, Pito (FC Barcelone).
Pass(at)ions diverses
L’Argentine, elle, suit doucement ce processus. Non pas d’un constat d’échec, mais d’un besoin de se réinventer. Au moins en partie, après le passage de témoin d’une partie des cadres de la génération championne du monde et vice-championne en 2021. Après avoir mangé son pain noir pendant deux ans et perdu son titre continental en plus de beaucoup de matchs internationaux, l’Albiceleste se remet à gagner. Ne disposant certes pas du même vivier démentiel que son voisin brésilien, on peut à nouveau difficilement l’imaginer sortir face au premier venu.
Avant de passer à certains fauteurs de troubles désormais notoires, un petit mot concernant l’Italie. Après avoir évoqué avec nuances et sévérité parfois le parcours des uns et des autres, il est clairement de mise de dire que l’Italie est devenu l’un des pires élèves d’Europe, à l’instar de sa sélection de football il y a quelques années. Sa vague de grands joueurs épuisée, il ne reste pour ainsi dire plus rien. Pas de ligne directrice concernant la politique sportive, peu de talent, et donc simplement pas de qualification. Déjà dernière de sa poule au dernier Euro, puis cette fois en qualifications balayée par l’Espagne, incapable de se défaire de la Slovénie et de la République Tchèque, pire deuxième de groupe avec sept points en six matchs. Sur le terrain comme dans les urnes, il n’y aura pas eu de barrage en Italie, que l’on est peut-être pas prêts de revoir à très haut niveau.
Les bonbons bleus
Parmi ces gros morceaux, dont pour la première fois aucun ne semble complètement imprenable, que vont pouvoir faire nos Français ? C’est une première, leur seul et unique tournoi remontant à six ans déjà, doit-on espérer quelque chose ? Brésil, Espagne, Maroc, Serbie, Croatie, Japon, Ukraine. Depuis deux ans, la France a affronté toutes ces nations, alors classées de la 15e a la 1ère place du classement FIFA, et n’a perdu contre aucune d’entre elles. Chaque fois ou presque, une première historique. Des sélections toutes habituées à ce qui était fut un temps un tout autre niveau que celui de la France, et des compétitions internationales. La Serbie, bourreau des espoirs d’un premier mondial il y a quatre ans : battue. La Croatie, idem, par deux fois. Le grand Brésil ! Battu. Le Japon, et aussi des nuls chez les autrefois intouchables espagnols et chez des marocains à la trajectoire impressionnante ces dernières années. Bilan non anecdotique : la France fait partie des trois seules équipes invaincues en qualifications de la zone Europe avec l’Espagne et le Kazakhstan, et pointe désormais à la 10e place du classement FIFA. Pas mal pour un débutant.
Depuis l’an passé, les Bleus ont enchaîné seize matchs sans défaite, série record interrompue le 31 août dernier et une défaite 5-3 en match de préparation, contre l’Argentine à Orléans. Pour en arriver à aujourd’hui, la France connut plusieurs phases. Une première où il a fallu monter une équipe capable de l’exploit de se qualifier. Ensuite, commencer à capitaliser là-dessus. Il a fallu du temps, il en a manqué pour se qualifier au Mondial 2021 où jouer des coudes avec l’Espagne et la solide Serbie s’est révélé ardu. Elle est ensuite devenue l’équipe attendue et non plus celle qui fait l’exploit. C’est ce qui a provoqué le premier couac et la non-qualification à l’Euro 2022.
Dans la foulée, Raphaël Reynaud a été nommé sélectionneur à la suite du pionnier Pierre Jacky en annonçant vouloir être compétitif à haut niveau en 2024. Nous y sommes. La France peut être forte, elle le sait. Et surtout, ses adversaires le savent. Elle lui manque l’expérience de ce niveau et de ce statut. Il lui manquera sans doute de la qualité pour rivaliser avec les références mondiales sur certains postes (pas tous !), mais tout le monde sait cette équipe capable de sortir n’importe quel adversaire qui ne s’y prendrait pas comme il faut face à elle. Attention, voici venir le cocktail de joueurs dans la force de l’âge aux dents longues ayant tout connu avec les Bleus et de jeunes talents aux profils uniques enviés de tous.
Dans la première catégorie, on retrouvera notamment Abdessamad Mohammed, numéro 10, capitaine, pivot ultra complet et désormais meilleur buteur de l’histoire tricolore. Premier pourvoyeur de buts de l’équipe depuis qu’il l’a intégrée alors qu’elle n’était qu’une sélection amateur, il y sera accompagné par son désormais ex-coéquipier à Laval : Souheil Mouhoudine, tout fraîchement engagé avec le champion d’Espagne Cartagena. Selon Raphaël Reynaud, tout simplement « le meilleur défenseur du monde« , au toucher de balle d’une élégance digne « d’un patron, qui joue en costume » selon son ancien entraîneur brésilien André Vanderlei, avec qui il a remporté le doublé championnat-coupe de France.
L’exportation des joueurs français demeure un phénomène un tant soit peu nouveau. Les cas précédents, très rares, n’étaient alors pas sur le devant de la scène. Mais quand c’est pour le champion d’Espagne, c’est forcément une autre histoire. Encore mieux, quand c’est pour le légendaire FC Barcelone. C’est le cas de Mamadou Touré, lancé sur la scène européenne avec feu le ACCS Asnières, et emmené dans ses valises en Catalogne par le coach Jesús Velasco. Débarqué dans la cité de Gaudí en tant que jeune prospect (22 ans aujourd’hui), il prit au final une place importante de joueur très fiable sur tous les plans, dans une équipe en difficulté une partie de la saison. Ses conduites de balle endiablées et ses qualités techniques affolantes pour son âge et son gabarit (1m87) en font un joueur d’un profil jamais vraiment observé dans les grands championnats, et par extension de quoi rendre la France encore plus menaçante à l’international. Ajoutez à l’équation quelques talents comme Nelson Lutin, suffisamment cité pour sa possible ressemblance avec un certain Kylian Mbappé, ou Ouassini Guirio (autre fusée de l’effectif Lavallois), et vous obtenez un ensemble crédible pour exister à un certain niveau.
L’insouciance comme menace
De par le format du tournoi (deux qualifiés par poule + les meilleurs troisièmes), on peut envisager un scénario où les Bleus deviendront un des épouvantails à ne pas tirer pour un gros en huitièmes ou en quarts. Avant ça, il faudra se sortir des bagarres contre le Venezuela (troisième de la dernière Copa America) et le Guatemala.
Aussi, il faudra se dépêtrer d’un premier choc contre l’Iran : douze fois champion d’Asie, troisième du mondial 2016 et quart de finaliste en 2021. Oui, car dans la catégorie des « petites sucreries » qui peuvent néanmoins vous étouffer, il y aura bien les Iraniens, spécialistes des exploits qui n’en sont plus vraiment. Une nation brillant par son talent offensif et des gros résultats en tout genre, dont la diaspora émerge dans les plus gros effectifs d’Europe.
Et pour compléter le trio : le Maroc. Prenez les plus belles semelles d’Afrique, du talent en barres, des accents français ou espagnols, et une animation en 4-0 parmi les plus belles du monde à voir évoluer, et vous obtenez ceux qui pourraient ne jamais être aussi près de faire le coup du siècle. Sortis sur la plus petite des marges en 2021 par le Brésil (0-1) en quarts de finale, les Marocains n’ont cessé de progresser. Tous les géants du futsal y sont passés en amical (dont un violent 7-0 contre l’Argentine en 2023), leur équipe B pourrait être vice-championne d’Afrique derrière les titulaires… Paradoxalement c’est peut-être leur profondeur de banc au top niveau qui pourrait faire défaut, à plus forte raison en l’absence des artistes Bilal Bakkali et Youssef Jaouad, blessés. Mais soyez-en assurés : si l’Iran tapera fort, si la France va renverser des montagnes, le Maroc risque de faire danser le monde.
Nous, nous serons devant nos écrans pour suivre ce spectacle qui s’annonce grandiose sur le terrain, fatalement un peu moins autour. La FIFA étant fidèle à elle-même, l’instance s’enfonce dans les attributions de compétitions internationales à des pays peu ou pas concernés par la ferveur autour de l’évènement, le tout saupoudré d’une communication pour le promouvoir assez catastrophique. Après la Lituanie, voici le aussi peu accessible Ouzbékistan, avec sa sélection et son public tout aussi anecdotiques bien que contraints de performer par la pression de l’état. Nous suivrons donc de loin ce qui pourrait être le premier grand cocorico de notre coq du futsal, sur les antennes de la Chaîne l’Equipe et sur l’Equipe Live à partir de lundi soir, 17h (L’intégralité des matchs du tournoi seront disponibles en direct sur L’Equipe Live). On aura une pensée à chaque but pour Steven Moreau, aka Monsieur voix du futsal français, que nous vous invitons à entendre célébrer chaque réalisation sur FutsalZone.tv (abonnement gratuit !) lors des matchs de la D1 Française qui reprendra en octobre, une fois nos joueurs rentrés de leur rêve Bleu. Ne nous réveillez pas trop tôt !
Crédits photos: Charles Léger/FFF – AFA – FIFA